Allons donc, de modiques états généraux après un Grenelle de l'Environnement ou un G20, ça ne le fait pas. Un Bretton Woods de l'édition, un Yalta des médias, un Pearl Harbour du journalisme, enfin je ne sais pas moi, il y avait tout de même suffisament de belles plumes dans la salle pour trouver plus vendeur non ?
Partant d'une analyse pertinente "Baisse tendancielle de la diffusion, déficit chronique d’un certain nombre de titres, menaces de disparition de journaux, vieillissement du lectorat, contraction des rédactions, les signes d’une crise profonde de la presse écrite se multiplient et s’aggravent." les professionnels de la presse écrite essentiellement ont planché depuis octobre pour aboutir à l'édition de
recommandations au sein d'un livre remis à la ministre Albanel. Un livre c'est un peu curieux quand on veut sauver la presse, et puis le livre est vert sans que l'on sache bien s'il est frappé lui-même d'effroi ou s'il se veut porteur de vertus écologiques. Il rendait compte des réflexions de quatre groupes :
1. Quel avenir pour les métiers du journalisme ? (Présidé par Bruno Frappat, il aborde : Rôle et avenir de l’écrit - Formation – Responsabilité, droits et devoirs des rédactions – Déontologie – Statut des journalistes – Rémunération et droits d’auteur)
2. Imprimer, transporter, distribuer, financer : comment régénérer le processus industriel de la presse écrite ?
(Présidé par Arnaud de Puyfontaine, sur : Imprimeries – Messageries de presse - Réseaux de distribution - Postage – Portage – Financement – Tendances et réglementation du marché publicitaire – Rentabilité)
3. Le choc d’Internet : quels modèles pour la presse écrite ?
(Présidé par M. Bruno Patino, il aborde : Evolution des usages, des offres et des métiers – Avenir du papier – Culture de la gratuité, des blogs, de l’interactivité – Mutation de la publicité – Complémentarité des supports – Internet et aides à la presse)
4. Presse et société : comment répondre aux attentes des lecteurs et des citoyens ?
(Présidé par M. François Dufour, il travaille sur : Baisse du lectorat – Attente des publics – Lecture par les jeunes – Pluralisme et diversité – Emergence et développement de groupes de presse français, en France et à l’international.)
Une fois ces menues agitations abouties, le Président de tous les français a édicté à l'assemblée sagement à l'écoute ce qu'il retenait de ces travaux. Au coeur de ce foisonnement d'idées, il faut regretter, sans surprise, que le chef de l'Etat ne répond que par des mesures financières. Mesures que les grands patrons de presse et amis ne manquent pas de saluer mais qui au regard des enjeux exposés, paraissent bien fades. Sur les quatre groupes de travail pompeusent structurés, un seul, le second trouve voix au chapitre. Et deux mesures phares en surgissent : un moratoire d'un an sur l'application des nouveaux tarifs postaux ce qui équivaut pour l'Etat à se tirer une belle balle dans le pieds tout en prenant les citoyens pour de joyeux gogols puisque par contre ces nouveaux tarifs nous seront appliqués illico... Au passage, on conviendra que répondre par les timbres à une crise majeure, c'est s'affranchir des problèmes à peu de frais...
Deuxième mesure particulièrement truculente, l'Etat s'engage à aider la presse en difficulté en ... doublant ses achats d'espaces de promotion de son action. Surfer sur la crise, accroitre sa main mise sur les médias et faire sa pub aux frais du contribuable, tel est le plan de modernisation ainsi proposé qui aurait pu donc clôturer la Pravda de la presse.
Il serait cependant réducteur de ne parler que de ces 600 millions d'euros que nous contribuables donnons donc aux riches groupes de presse. Le syndicat du livre n'a qu'à bien se tenir, il peut s'attendre à des lendemains qui déchantent par la faute du petit livre vert de Sarko. Qui entend mutualiser les imprimeries, une belle façon d'en appeler à la pensée unique. Ben tant qu'à mutualiser, je trouve que l'on devrait aller au bout du raisonnement et mutualiser également les journaux. Par contre nous avons peut être une belle opportunité de carrière qui va s'offrir aux dizaines de milliers de français qui perdent chaque mois leur emploi en ce moment : par la grâce des états généraux, ils pourront se transformer en porteurs de journaux. Les anciens aux petites retraites ne sont pas oubliés qui pourront aussi participer. Si ce n'est pas porteur ça comme mesure. Et puis on parle de la presse mais demain ce seront peut être les notables que l'on aura la chance de porter. Un vrai fillon, euh filon.
Enfin, vous l'aurez tout de même compris, ça ne servira pas à grand chose de maitriser la presse si personne ne la lit, c'est pourquoi les jeunes de 18 ans se verront désormais offrir un abonnement au quotidien de leur choix. Qu'ils pourront eux-même porter. Et qui sait, s'ils ont bien lu on verra renaître le concept du défunt pif gadget : un Figaro acheté, la carte de l'UMP offerte, un express-un expresso gratuit au bar de son choix, Le Monde-10% de remise sur le permis de conduire... ça marcherait plutôt bien non ? sauf pour Le Point bien entendu parce qu'un Point, c'est tout...
Et sur l'émergence des nouveaux médias, la déontologie, la concentration des titres et bien là pas grand chose parce que le but voyez vous c'était avant tout de débloquer 600 millions en toute discrétion à des proches. Le Monde Diplomatique de septembre 2006 rassemblait à cet égard quelques précieux éléments :
"M. Martin Bouygues, héritier et patron du groupe Bouygues (fortune estimée à 1,7 milliards d’euros) et par conséquent de sa filiale le groupe TF1 (TF1, LCI, TPS...). Il est parrain du fils de Nicolas Sarkozy, et était témoin à son mariage. Ils peuvent donc être considérés comme proches... LCI, filiale de TF1, a retransmis en direct les vœux de Nicolas Sarkozy à la presse.
M. Bernard Arnault possède le groupe LVMH (fortune estimée à 14,3 milliards d’euros), incluant des titres comme La Tribune, Investir ou Radio Classique. Nicolas Sarkozy était invité au mariage de la fille de M. Arnault, tandis que M. Arnault était témoin du mariage de M. Sarkozy.
M. Serge Dassault, héritier du groupe Dassault (fortune estimée à 5,7 milliards d’euros), possédant la Socpresse, 1er groupe de presse français, publiant notamment Le Figaro. Nicolas Sarkozy a démêlé, en tant qu’avocat cette fois-ci, la succession de son père Marcel.
M. Arnaud Lagardère, héritier du Groupe Lagardère (fortune estimée à 0,7 milliards d’euros), premier groupe de media français qui contrôle notamment des grandes radios (Europe 1, Europe 2, RFM...) et des magazines d’actualités (Paris Match...). En avril 2005, le président de l’UMP fut l’invité d’honneur d’un séminaire du groupe Lagardère à Deauville. L’héritier Arnaud le présenta « non pas comme un ami, mais comme un frère ». "
On comprend mieux la générosité de ses états, presqu'une réunion de famille où l'on se partagerait quelques dividendes.
Mais finalement la plus éclatante conclusion de cette opération médiatique n'est elle pas intervenue avec les récentes nominations au CSA par le Président d'une journaliste de France 2, Christine Laborde, et par le Président de l'Asssemblée UMP, de Christine Kelly. L'une est au bans de France 2 et de son actuel Président, l'autre a notamment rédigé la biographie de ... François Fillon.
Comme le président de France Télévisions sera à l'avenir "nommé par l'exécutif après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et sous réserve qu'une majorité qualifiée de parlementaires n'y fasse pas obstacle", on voit dans ces deux nominations un souci évident de crédibilité et d'équité.
Alors que seulement un français sur deux (52% des sondés jugent que les choses se sont passées «vraiment» ou «à peu près» telles qu'elles y sont rapportées dans le journal) je ne doute pas que l'impulsion donnée propulsera nos médias au firmament de la notoriété.
"La presse est le réceptacle de tous les ferments nauséabonds. Elle fomente les révolutions, elle reste le foyer toujours ardent où s’allument les incendies. Elle deviendra seulement utile le jour où l’on aura pu la dompter et employer sa puissance comme un instrument gouvernemental... " Son Excellence Eugène Rougon - Emile Zola.
Si c'est un ancien Ministre de l'Intérieur (en 1858) qui le dit...
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