La trilogie New Yorkaise

Publié le 26 janvier 2009 par Madame Charlotte

Auteur : Paul Auster
Titre original : City of glass, Ghosts, The locked room
1ère édition : 1985-86
Nb de pages : 444
Lu :  janvier 2009
Ma note:


Résumé :
De toutes les qualités qui ont justifié le succès de la Trilogie new-yorkaise, l’art de la narration est sans doute la plus déterminante. C’est qu’il suffit de s’embarquer dans la première phrase d’un de ces trois romans pour être emporté dans les péripéties de l’action et étourdi jusqu’au vertige par les tribulations des personnages. Très vite pourtant, le thriller prend une allure de quête métaphysique et la ville, illimitée, insaisissable, devient un gigantesque échiquier où Auster dispose ses pions pour mieux nous parler de dépossession.

Mon avis

Lue il y a une quinzaine d’années cette trilogie m’avait fait forte impression, c’est donc tout naturellement que j’ai décidé de la relire dans le cadre mon défi individuel et personnel à moi-même : l’Auster-thon !
L’ensemble de la trilogie forme réellement un tout, et je ne n’imagine pas une lecture dissociée, les 3 romans ou nouvelles se complètent et prennent tout leur sens ensemble.

Je précise que je ne relis JAMAIS, ou si rarement que mes lectures se comptent sur les doigts de la main de Mickey. La trilogie new yorkaise rejoint donc Jane Eyre, de Charlotte Brontë, La barque de Nuit de Gilbert Dupé, et Le père Goriot de Balzac. Faut pas rigoler non plus, relire alors qu’il y a tant à découvrir ?!

Cité de verre

Quinn, un auteur de série policière connu sous le pseudo évocateur de William Wilson*, est un homme solitaire et peu ambitieux depuis la mort de sa femme et de son petit garçon. Isolé, il reçoit un soir un coup de téléphone destiné à un certain Paul Auster, détective privé. Signalant l’erreur sur la personne il reçoit à nouveau le même coup de fil, et décide de se faire passer pour Paul Auster. Dès lors il endosse le personnage du détective, s’enfonce dans une “affaire” assez troublante, et l’ambiance surréaliste frise assez vite l’univers de David Lynch. Au moins ! Il entame donc une filature, puis sombre peu à peu dans l’obsession. Déjà marqué par la vie et ses souffrances, Quinn devenu Auster ne deviendra plus personne, étranger à lui-même et au monde. Inconsciemment il s’exclue de sa propre vie. La fin reste en suspens, le lecteur est libre d’interpréter le destin de Quinn, ou pas.

* William Wilson, nouvelle d’Edgar Poe datant de 1839 et publiée dans Nouvelles Histoires extraordinaires, sur le thème du double.

Revenants

Les personnages n’ont pas de nom, ou plutôt des noms de couleurs. Blanc engage Bleu pour prendre en filature Noir et l’observer dans sa vie de tous les jours. Or, Noir ne fait rien de ses journées à part écrire. Bleu tombe rapidement dans une routine hypnotisante, il apprend à tout connaitre de la vie insipide de Noir, de ses occupations, peu variées, de sa vie sociale, inexistante. Bleu adopte par conséquent un style de vie identique, ponctuée par la rédaction de rapports hebdomadaires. Il en oublie sa propre vie, calquée sur celle de Noir. Après quelques tentatives d’approche directe avec Noir, Bleu bascule dans un étrange duel dénué de sens. Qui observe qui ? Qui est Noir ? Quelle est la motivation de Blanc ? Autant de question en suspens, auxquelles l’auteur ne donne pas vraiment de réponse. On peut y voir une relation ambiguë entre l’auteur et son personnage, une identification (ou une perte d’identification) à l’auteur ou au personnage. Cette nouvelle est la plus froide, la plus neutre, on observe, comme observe Bleu, une suite de faits décrits objectivement.

La chambre dérobée

La narrateur apprend par la femme de son meilleur ami d’enfance que celui-ci a disparu sans laisser de trace. Respectant le vœu du disparu, Sophie contacte le narrateur et lui confie tous les écrits de Fanshawe, lui laissant la liberté de les exploiter ou de les détruire. Progressivement le narrateur va redécouvrir son vieil ami avec lequel il avait perdu contact des années auparavant. À l’instar des héros des deux nouvelles précédentes, il va finir par voir dans le disparu un double et un rival. J’ai trouvé cette histoire encore plus prenante que les autres. Écrit la première personne, le récit prend une nouvelle dimension, on suit le cheminement intérieur du personnage d’une manière plus intime, moins froide et chirurgicale. On approche de la folie en même temps que le narrateur, pris au piège de son “enquête” pour écrire la biographie du disparu auquel il s’identifie.

Troublante et mystérieuse, cette trilogie prend des allures de films de Lynch, à plusieurs moments je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement. Je suis donc ravie de l’avoir relue.