“ Il y a quelque chose de «bon» à propos du noyau familial, ou du moins nous le pensons.
Une famille, nous enseignent culture et religion, «devrait» se composer d’une mère, d’un père et d’au moins deux enfants, de préférence de sexes opposés.
Cet idéal se renforce encore après la récente découverte en Allemagne d’une sépulture de 4.600 ans contenant treize individus, beaucoup d’entre eux des enfants. Témoignage poignant, certains adultes y étaient enterrés face à face, leurs bras entrelacés. Plus poignant encore, les scientifiques des universités de Bristol et d’Adelaïde ont utilisé l’analyse ADN pour relier un couple à leurs deux enfants, la plus ancienne évidence d’un noyau familial.
Ce rapport touche une corde sensible parce qu’il correspond à la définition de la famille que notre culture s’est appropriée. Ces corps reposant ensembles paraissent confirmer que le noyau familial est un regroupement humain ancien, favorisé par l’évolution, et donc «naturel».
D’une culture à l’autre les individus vivent au sein de toutes sortes de groupes familiaux. La polygynie, lorsqu’un un homme a plusieurs épouses vivant ensembles avec leurs enfants respectifs, est le modèle familial le plus répandu, bien qu’il soit en général réservé aux hommes riches ou puissants. J’ai passé à Bali plusieurs mois dans le foyer d’un homme et de ses deux femmes, avec plusieurs enfants de tous âges et quelques visiteurs ou touristes dans un coin du complexe.
Chez les Mosuo, une culture chinoise, les individus vivent en groupes familiaux très étendus où les femmes, non les hommes, sont à la tête. Les pères n’y sont même par considérés comme partie du foyer; appartenant à la famille de leur mère, ils vont et viennent librement tout au long de la nuit.
Aucune preuve réelle ne nous permet d’affirmer que le noyau familial tel que nous le concevons aujourd’hui ait été la norme depuis longtemps.
Aujourd’hui même, en Occident, le noyau familial idéal est chose rare.
Si deux tiers des enfants aux USA vivent avec deux parents, neuf pour-cent vivent dans un foyer monoparental et plus d’un quart des américains préfère vivre seul.
Les treize corps retrouvés dans la sépulture allemande y étaient non parce qu’ils formaient une famille per se mais parce qu’ils étaient importants les uns pour les autres, connectés d’une certaine façon, économique, émotionnelle, et parce que c’est ainsi que vivent les humains.
Nous ne formons pas toujours ce noyau familial idéal cité plus haut, mais nous composons des familles d’un autre ordre sans cesse, car il est dans notre nature humaine de vivre ensembles.
Meredith F. Small, anthropologue
Cornell University, Ithaca - NY, USA
Traduit de l’anglais par Le P’tit Loup
Photo & images :Juraj Lipták, Karol Schauer / LDASA
Article en anglais : Livescience.com