Rating: 5 out of 5 stars
A force de manque de temps, de manque de tout, je ne peux pas toujours faire de critiques de film tout beau, tout neuf, tout pimpant. Et puis aussi, s’il n’y a que ça, c’est pas drôle, je ne vous fais pas partager tout ce que j’aime. Quand j’ai créé ce blog, j’avais envie de parler de tout. De mes nanars favoris, de mes coups de coeur qui n’avaient pas fait grande sensation dans la presse, de vieux films de mon enfance en plus de nouveaux films tout à fait rayonnants… ou pas du tout. Vous voyez quoi.
Pour inaugurer les conseils à voir, j’ai décidé de vous parler de Me and you and everyone we know, ou bien, pour être chauvin Moi, toi et tous les autres. J’en parlais justement ce week-end, genre “han, mais uiii, moi aussi je surkiffe ce film, babe, je pensais être seule à l’avoir vu dans tout Lille“. Et pouf, voici que je vous en parle à vous maintenant.
Je vous recommandais déjà le film dans la critique du pilote de East Bound and Down où John Hawkes, le père célibataire du film, apparaît. Toujours aussi peu lumineux (mais c’est ce qu’on aime chez lui, ne vous méprenez pas).
Rafraîchissez vous la mémoire. Ecrit et réalisé par Miranda July, artiste contemporaine, Moi, toi et tous les autres compte dans son casting Miranda July elle-même, John Hawkes, ou encore les petits Brandon Radcliff et Jason A. Rice.
Ah ouiiii, mais de quoi que ça causait? Récemment célibataire, Richard est un vendeur de chaussure qui élève ses deux garçons et qui n’attend qu’une chose : que les bonnes choses arrivent. Lorsque Christine, artiste un peu complètement dans la lune arrive dans sa vie, Richard se met à paniquer et tout le long du film, nous les observons se chercher. Les enfants, eux, sont beaucoup moins pudiques.
Avant de parler du film… que pouvons-nous donc dire, hein? Premier long de Miranda July, adepte de la vidéo exposée au MoMa et au Guggenheim, le film a vu son scénario finalisé lors des ateliers d’écriture du festival de Sundance en 2003 et a d’ailleurs été récompensé l’année suivante. Pas totalement dans l’ombre, le film, donc.
Sorti le 21 Septembre 2005 en France, Moi, toi et tous les autres est le tout premier film que j’ai vu en arrivant sur Lille. Atmosphère toute particulière, donc, quand je revois ce petit bijou du cinéma indépendant américain. Je l’avais d’ailleurs élu film de l’année, cette année-là.
Ce collage d’images animées oscille entre scènes hilarantes et passages profondément mélancoliques. D’un humour noir, d’un cynisme de vieillard, de jeune folie, Miranda July retire une recette propre à l’Indie américain. Un univers sucré/salé qui ne lasse de rien et surtout pas de sa joie de vivre qui renie tout ce qui pourrait l’empêcher d’avancer. Loin d’un Little Miss Sunshine très agréable mais lassant, Moi, toi et tous les autres vagabonde seul et sans prétention de se greffer à qui que ce soit mais ne reniant jamais ses influences.
La vie tout en pop de Miranda July vous rapporte à votre propre mélancolie. Plus ironique que cynique, elle touche à tout, osant approcher le contemporain dans un film à l’apparence facile mais qui au final ne l’est pas tant que ça. ‘Suivez?
Avec Moi, toi, et tous les autres, chaque personnage porte son propre fardeau qui jamais ne tombe dans le mélodrame. Richard veut organiser une fête à l’occasion de son… divorce et fini par se brûler la main à l’alcool pour… amuser ses enfants. Les enfants apprennent seuls à appréhender leur propre sexualité. La patronne de Christine rêve de trouver l’amour en parlant scatophilie sur Internet. Et Miranda July se balade au milieu de tout ça, en filmant tout ça comme un Happening du quotidien.
Pas tout un film choral et pas tout à fait une œuvre contemporaine, Moi, toi, et tous les autres emmêlent des vies comme autant de personnages qui cherchent un but ultime qu’on ne connaît pas vraiment et que pourtant on peut âprement deviner, se mettant facilement à la place de chacun d’entre eux, comme une petite puce sur le fil. Ce film n’aura jamais la noirceur d’autres points de vue qui auraient pointé du doigt les fantasmes pédophiles qui n’en sont pas vraiment, l’ennui palpable d’une banlieue américaine où chacun trouve son compte, où les enfants apprennent à se débrouiller seuls tout en en étant satisfaits. Même l’accident d’un poisson rouge ne vous transforme pas en Brigitte Bardot. Simplement en spectateur qui aura du mal à sortir du film à la sortie de séance.
Au fur et à mesure, je me rends compte à quel point il est difficile d’en faire la critique. Le plus facile, c’est de vous conseiller de le voir, alors peut-être comprendrez-vous cette drôle de sensation qu’il vous procure. Il distille une série de sensations contradictoires qui finissent presque par déranger quand elles vous ressemblent. Todd Solondz n’est pas loin mais Miranda July ne tombe jamais dans la noirceur et vous permet de vous identifier à votre convenance.
Une saveur particulière est à goûter dans ce film à la fois profondément adolescent, enfantin et adulte. Hum.
C’est sans compter le bonheur à voir des acteurs si bien jouer leurs personnages, à commencer par le petit Brandon Radcliff qui vous bluffe du haut de ses 6 ans, vous regardant droit dans les yeux en parlant sexe d’adulte, bien qu’il suffit de le voir commenter ses scènes pour voir que ce gosse ne fait pas que jouer. Depuis trois ans et demi, “Popo-Ping-Pong Forever” ))=(( trône (ah ah) chez moi. Chacun des onze personnages auraient mérité son propre film.
Enfin, une BO à tomber parsemée de compositions originales du culte et cultivé Michael Andrews et de chansons choisies avec soin, comme l’inoubliable 5 on a Joyride du génie Cody ChesnuTT [chanson qui apparaît lors de la scène de fellation adolescente] qui a par ailleurs signé un duo avec les Roots, par exemple.
Bref, un film qui évite les clichés (Vous pensez mériter cette douleur mais non… Non, je ne pense pas ça!) pas récent mais à voir, pour ceux qui ne l’auraient pas vu et à revoir, pour ceux qui l’auraient oublié… ou pas.
Poop back-and-forth, guys. Poop back-and-forth.