Ma main sur ton ventre

Je n'ai pas compté, mais je pense qu'il ne se passe pas un jour sans que Gabrielle prenne, à un moment ou un autre, ma main pour la poser sur son ventre. Ce geste est devenu naturel, pour elle comme pour moi. Dès que nous sommes au calme, à proximité l'un de l'autre, et que Salomé se met à faire des cabrioles, ma compagne me fait partager les soubresauts de son ventre.
Cela fait deux mois et demi que cela dure, et aucune question ne s'est jamais posée sur le plaisir que j'ai à vivre ces moments. Mais hier, juste après avoir saisi ma main, elle me demande soudain : « Au fait, tu n'en as peut-être pas envie ? » Il n'y a là ni crainte, ni gène, aucune arrière-pensée. Juste une idée formulée aussi naturellement qu'elle lui est venue à l'esprit.
Oui mon amour, j'en ai envie. Un envie chaque fois renouvelée. Chaque fois, le moment où je sens ta main prendre la mienne pour l'amener à ton ventre est porteur du plaisir prochain de sentir bouger notre enfant. Chaque fois que ma paume épouse la courbe de notre avenir, une émotion indicible parcourt tout mon être. Chaque fois je guette l'instant où Salomé va se manifester, le bout des doigts à l'affût, l'esprit aux aguets, le cœur en émoi. Chaque fois je souris lorsque mon attente est récompensée par un glissement furtif sous mes phalanges ou un coup net au creux de ma main. Ces instants sont trop précieux pour ne pas en saisir chaque miette, chaque petits bonheurs.
Bientôt, je pourrai communiquer avec Salomé plus directement, de peau à peau. Et le premier contact sera plus bouleversant encore. Mais rien ne viendra jamais remplacer ce moment de communion à trois, cet instant de plénitude où ton ventre sert de trait d'union entre notre enfant et moi.