C’est comme une petite ritournelle qui revient de temps en temps. On l’entend quand tout va mal, alors qu’elle s’était fait discrète pendant des mois.
Contrôler un domaine aussi mouvant que le monde de la finance demande de solides nerfs et de sérieuses compétences. Il ne faudrait pas non plus oublier une bonne grosse dose d’éthique et un soupçon de déontologie.
Malheureusement, le « procès » que l’on veut bien faire aux agences de notation, prises dans la tourmente de la crise-des-subprimes-qui-n’est-pas-une-crise-systémique n’est pas nouveau.
L’on avait à l’époque de la retentissante chute d’Enron, pareillement fustigé le cabinet Andersen pour son manque de délicatesse dans la conjonction de ses fonctions de contrôle et de conseil. Lié personnellement et professionnellement à la grosse machine, le cabinet pourtant bien vu n’avait pas hésité à mettre sous le coude le fardeau de l’éthique pour faire plaisir.
Engager sa crédibilité ne coûte rien tant que les choses vont bien, mais cela devient légèrement plus tendu dès lors que la chasse aux boucs émissaires est enclenchée. Il faut des coupables et ils sont en général très vite trouvés.
Comme toujours donc l’on remarque avec un retard bien supérieur à celui des rames SNCF que ces agences de notation n’ont pour seul armure de vertu qu’un code de bonne conduite et qu’elles interviennent à la demande des entreprises. Si cela vous rappelle quelque chose, levez le doigt.
Au delà de cette arlésienne de crise , c’est un aspect un peu différent que je souhaite aborder ici. Car l’on ne touche pas à un détail mais bien au coeur du système.
Hier soir, notre sémillante ministre de l’économie répétait qu’il ne s’agit pas d’une crise systémique, ce n’est pas un crash, c’est une « correction brutale » qui plus est « prévisible ».
Ce qui, malgré le respect que tout citoyen doit aux ministres de la république, est une énorme connerie.
Tout d’abord l’argument de prévisibilité ne me paraît pas devoir être accueilli avec ferveur, mais avec une réserve certaine. Si la prévision en était si facile, pourquoi les marchés si attentifs, si optimaux dans leurs allocations de ressources, si parfaits, n’avaient pas anticipé la chose? Pourquoi se sont-ils contenté de vendre à toute berzingue comme dans un mauvais film hollywoodien?
Mais mon bon monsieur, parcequ’ils n’étaient pas au courant. Enfin pas tous.
Et c’est là que l’on rejoint l’aspect systémique. Attention plongée au coeur de l’économie par un nul.
Un marché c’est un lieu virtuel de rencontre entre l’offre et la demande qui établit le « juste prix » des biens et des services (y comprit celui du travail).
Pour ses thuriféraires, le marché est le meilleur moyen de toucher cet équilibre ce qui en conséquence aura pour effet d’allouer le plus efficacement du monde les ressources disponibles.
Voilà pour la première partie de la théorie. La seconde nous ramène à notre crise, tout comme elle avait tenu un rôle prédominant dans l’affaire Enron. Car si le marché est efficace, il ne l’est que dans des conditions de concurrence pure et parfaite. Pour que cette concurrence idyllique se réalise il faut notamment que l’information soit gratuite et que tout le monde la connaisse en même temps.
Or nous voilà dans un système où l’information même est au mieux l’objet de marchandages de bas étage, et au pire dissimulée au profit d’un tout petit nombre.
Nicolas Sarkozy à donc raison de demander plus de transparence. Après tout cela ne fait que 70 ans que l’on étudie le fonctionnement des entreprises, les relations principal/agent et les conséquences de l’asymétrie d’information sur leur relation. Et ce n’est pas comme si après l’exubérance irrationnelle des années 90, certains grands économistes n’en avaient pas tiré leur lauriers en évoquant le sujet (Stiglitz fût Prix Nobel d’économie en traitant le sujet en 2001).
Des chefs d’Etat qui découvrent avec étonnement des phénomènes répétés de dissimulation de l’information tandis qu’une petite communauté d’insider prend les bénéfices et laisse la réparation des ruines aux autres, c’est digne du Candide de Voltaire. A moins que l’on soit beaucoup plus près de Bécassine.
Le système même du marché, bancal dans des conditions pratiques d’existence est en cause. Contrairement à ce qu’en pense Mme Lagarde, c’est bien le système qui est en crise, mais comme ce n’est pas la première fois et que l’on a constamment oublié les anciennes crises, on pourra toujours jouer les poissons rouges et faire comme si rien ne s’était passé.
Pendant ce temps là des citoyens pauvres américains perdent leurs maisons et des millions de petits épargnants voient leurs économies fondre comme glace au soleil.
Mais ne vous inquiétez pas, tout va bien, l’important c’est la CONFIANCE!