Attention talent!
Richard Andrieux a le sens du rythme, des mots posés, de la simplicité des phrases volontairement minimalistes. Cet ancien parolier et musicien a écrit plus de 250 chansons dans sa carrière... Puis, un jour, il a pris sa plume pour écrire son premier roman: José qui vient d'être réédité aux Editions Pocket dans la collection "Nouvelles Voix".Premier roman qui décrit l'univers imaginaire et poétique de José, petit garçon enfermé dans une sorte d'autisme. Sa mère désespérée et désemparé de ce manque de communication avec son enfant, sombre progressivement sans que José ne s'en aperçoive...José est a la fois cruel, onirique et poignant, un sujet dur traité par l'auteur avec tendresse et humanité.
L'Homme sans lumière, son deuxième roman publié chez Héloise d'Ormesson confirme son talent à fleur de peau.
Un roman étrangement sombre. L'histoire d'un petit bonhomme qui "n'a jamais brillé" au point de devenir un "homme sans lumière", petit bonhomme insignifiant qui au bord de la soixantaine vient d'être largué par sa dernière compagne en date et qui décide d'écrire des lettres (jamais envoyées) à un illustre inconnu croisé dans un café et dans lequel il pense se retrouver...Des lettres dans lesquelles, il décrit avec une honnêteté déstabilisante toute sa solitude et sa souffrance au cours de sa médiocre existence.
Aucun rapport avec José? A première vue oui, car il se renouvelle totalement dans le style, l'univers et son personnage. Puis après une lecture plus attentive, on comprend que Richard Andrieux décline sous une autre partition, les thèmes qui lui étaient chers dans José: la solitude, la souffrance, l'incommunicabilité... Gilbert, car c'est son nom,"nous" parle de son mal-être et de sa solitude avec une honnêteté tellement impudique qu'elle en est parfois choquante, déroutante. Il nous interpelle par ses moments de rage..."Chienne de vie! Comme s'il ne suffisait pas de vivre sans elle, je dois maintenant partager ma triste existence avec mes regrets!".
Le rythme du roman est haletant comme un thriller qu'on dévore d'une traite et dont la tension dramatique monte crescendo. On est étonné d'arriver si rapidement à la fin sans être "plombé" par ce huit-clos qui aurait pu être étouffant. Mais comment cela aurait-il pu être le cas avec une écriture aussi fluide, un personnage aussi pathétique, médiocre mais si étonnement humain et attachant dans son désespoir?
Et quand Gilbert s'énerve, on sent que l'auteur s'est pris au jeu, comme si excédé par les frasques épistolaires de son personnage, il l'avait volontairement poussé dans ses retranchements, révélant ses pointes de cruauté mesquine qui germent en chacun de nous: "En parlant de nature morte, j'imagine qu'il doit y avoir des photos de votre femme dans votre appartement"...Là on rit jaune, on se dit que ce petit bonhomme est sacrément gonflé, si profondément vrai. Longue vie à Gilbert et surtout longue vie d'écrivain à Richard Andrieux.
Pour vous faire une autre idée du livre, Clarabel l'a également critiqué et apprécié: c'est par ici!