Déjà hier matin, sur le coup de 7 h 30, il y avait quelque chose de bizarre dans l’air : un vent fort, du style qui retourne les parapluies, mais presque chaud. Quand le jour s’est levé, l’air est devenu plus vif et il a plu de ce superbe crachin dont je dis parfois ici qu’il ne mouille même pas.
La tempête était annoncée : alerte orange en Gironde, rouge plus au sud. Rouge, c’est rare. Sixième fois seulement depuis 2001, année de la mise en place de ce système par Météo France, et ce à l’échelle de la France et tous risques météorologiques confondus. Puis la Gironde à son tour a viré au rouge. On allait voir ce qu’on allait voir. Les grands vents de nord-ouest devaient nous saisir à 4 heures du mat’. C’est ainsi que, dormant profondément sous la couette bien après ma dose de polar rural (un bouquin de Hélène Criée-Wiesner qui se passe entre Ploermël et Josselin, quand on connaît un peu le Morbihan, on apprécie), je fus réveillée en sursaut à 4 h 35 par un barouf de tous les diables. La maison couinait, les arbres dansaient la lambada, et des tas de babioles moyennement attachées ont joué les filles de l’air. Selon la presse, on a enregistré des pointes à 162 km/h à Bordeaux.
Au petit matin dans la ville, c’est un peu la panique. Tandis que je me rendors, les services municipaux commencent à déblayer branches et débris divers qui jonchent les rues. Les transports en commun ne démarrent pas, les trains circulent au ralenti voire plus du tout au sud de Bordeaux, l’aéroport reste fermé.
Les dégâts ne sont pas négligeables : des bâtiments en cours de rénovation perdent franchement leur toit, des tuiles se sont décollées un peu partout, les feux tricolores ne tiennent plus que par un fil, de gros arbres ont été déracinés, les serres de certaines exploitations maraîchères sont détruites, etc.
Un vrai gros coup de tabac, vite comparé à la tempête de décembre 1999 par sa force, mais moins importante par son étendue spatiale. Par mesure de précaution, la centrale nucléaire du Blayais est mise en état d’alerte (on se souvient qu’elle avait méchamment pris l’eau en 1999). Sur l’ensemble des départements concernés, on compte près d’1,2 millions de foyers privés d’électricité, ce dont on n’a absolument pas conscience en ville. Des commerces restent fermés, mais globalement la vie reprend assez vite. Les bus circulent à nouveau en fin d’après-midi et l’aéroport est rouvert. Le ciel redevient presque bleu. Le vent souffle encore, mais de manière plus raisonnable. La Garonne est très haute malgré un coefficient de marée relativement faible (entre 50 et 60), et elle est animée de vagues lentes et larges qui font penser à un mini-mascaret. Le vent tombe avec la nuit. L’air redevient assez doux.
Pour nous, le bilan est léger : un bout de l’antenne est tombée ; ça tombe bien : on voulait la faire enlever. On espère seulement qu’elle n’a pas trop joué avec les tuiles avant de finir sur le plancher des vaches.
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