Enfin, last but not least, la toute petite exposition (une salle) consacrée à Abildgaard, un peintre néoclassique danois, qui n'a sans doute de néoclassique que la technique et le fonds culturel, tant ses oeuvres semblent pénétrées de thèmes et de manières artistiques qui feront la singularité des romantiques... mais ne réactivons pas les vieilles querelles, les étiquettes sont faites pour être prises comme telles, n'est-ce pas?
J'avais déjà parlé un peu d'Abildgaard dans le dernier volet de ma trilogie sur le cauchemar de Fuseli. Il se trouve que les deux artistes s'étaient connus à Rome dans les années 1770, mais que le peintre danois n'a réalisé sa «réécriture» (je ne sais pas comment on pourrait le dire en matière de peinture) éroticisée du Nightmare de Fuseli que d'après une gravure, bien après cette rencontre, donc. Il reste que leurs univers plastiques comme leurs références littéraires sont étonnamment proches: même fascination préromantique pour Michelange et Shakespeare.
Abildgaard est aussi l'un des premiers (sinon le premier, Saskia pourrait nous en dire davantage) à s'être confronté en peinture au mythe d'Ossian. Il a également illustré le Voyage souterrain de Niels Klim de Ludwig Holberg, un récit de voyage extraordinaire qui, dans la droite lignée (ou mouvance) de Swift, allie imagination débridée et pastiche politique. Je recommande d'aller voir cette petite exposition sur Abildgaard, non parce que ce serait l'exposition de l'année, loin de là, mais parce que c'est l'une des rares occasions de pouvoir contempler ses oeuvres en dehors du Danemark. Ses réalisations sont assez inégales, mais le personnage est passionnant et certaines de ses pièces valent vraiment le coup d'oeil. Je regrette vraiment de n'avoir pu aller voir la conférence de Martin Myrone sur Abildgaard et Fuseli. Elle avait un titre alléchant: Artistes, magiciens et supercheries: Abildgaard, Fuseli et l'invention du «génie», miam!