ils sont les automates de la cause facile. ils défendent ce qu'il est
de bon ton de défendre. il y a des causes qui sont médiatiques et
d'autres qui ne le sont pas. en ce qui concerne le plus important,
quand le choix de la parole a un prix, ils se taisent ou ils sont les
fervents de la neutralité, de la pseudo-objectivité. ils ont recours
au contexte, a l'histoire, à un langage boursouflé et maladif, à des
interprétations compliquées et contradictoires, ils ont recours à tout
sauf à l'essentiel. il ne faut surtout pas dire qu'il y a un dominant
et un dominé, il ne faut surtout pas utiliser les mots qui font mal,
apartheid ou mur de la honte. qu'est-ce qui les motive ? désir d'être
bien vu, être édité chez un grand éditeur, peur ? peur sans doute de
subir la vindicte des puissants, peur parce qu'on sait qu'il y a une
ligne invisible à ne pas franchir, parce qu'on sait que tous ceux
aujourd'hui, aimables et agréables, les adeptes de petite tape sympa
sur le dos - il est bien gentil le gentil écrivain -, se chargeront
demain de vous exécuter et qu'ils vous balanceront au visage, le MOT,
le MOT qui assassine, qui tue. et une fois le mot lancé, mot qui
empeste, mot comme un poison, plus rien ne sera comme avant, c'en est
fini de la subversion prévisible, des subversifs 'comme on les aime',
c'en est fini de 'l'écrivain qui vient d'ailleurs mais qui écrit si
bien notre langue', on se retrouve de l'autre coté, là où la parole
est confinée dans le silence. et ainsi on ne les entend pas, ceux qui
revendiquent le métissage, la rencontre des cultures, la tolérance, le
culte de la marginalité, ceux qui tressent les éloges de la diversité
du monde. on n'entend que des murmures, des phrases alambiquées, des
'peut-être', des 'c'est compliqué', des revendications à demi-macérées
au relent putride.
la cause des faibles, cette cause en particulier, est bien la ligne de
démarcation qui sépare les lâches des courageux et ceux, aujourd'hui,
écrivains engagés, humanistes, qui choisissent de se taire ou de se
refugier derrière une pseudo-objectivité, ne sont, somme toute, que
des pantins.
ils sont les automates de la cause facile.
Umar TIMOL