Visible sous la forme d'un triptyque, c'est-à-dire au Grand Palais pour la majorité des œuvres présentées, au musée du Louvre autour des Femmes d'Alger de Delacroix et au Musée d'Orsay autour du déjeuner sur l'herbe de Manet, cette exposition est unique puisqu'elle permet non seulement de découvrir l'ensemble de l'œuvre de Picasso de son plus jeune âge jusqu'à la fin de sa vie, mais également de montrer le dialogue constant qu'il a mené avec les grands maîtres de la peinture comme Greco, Vélasquez, Goya, Zurbaran, Poussin, Le Nain, Chardin, David, Ingres, Delacroix, Manet, Courbet, Lautrec, Degas, Puvis de Chavannes, Cézanne, Renoir, Gauguin, Douanier Rousseau, Titien, Cranach, Rembrandt, Van Gogh ... Et, à cette occasion, nous avons la possibilité de voir ou de revoir des chefs d'œuvre comme le "Saint François d'Assise dans sa tombe" de Zurbaran, comme "L'enlèvement des Sabines" de Poussin, comme l'"Odalisque en grisaille" d'Ingres ...
En effet, jusque là, je n'avais vu les toiles de Picasso que par bribe, au musée national Picasso par exemple, ou lors de mes visites dans les musées ou à l'occasion d'autres expositions, ou encore en feuilletant le catalogue de l'exposition Matisse-Picasso, mais finalement je crois que je ne les avais pas vraiment vu parce que lorsque je les ai découvertes pour la première fois, j'étais jeune ; il me manquait le contexte et la connaissance de nombreuses œuvres que j'ai pu découvrir par la suite, et toute la construction finalement très classique par laquelle est passée ce très grand peintre du XXème siècle.
Ce qui frappe tout de suite c'est le don inouï de Picasso dès son plus jeune âge, il savait tout faire, un tableau selon Le Greco, c'est "Le Vieux Juif", en 1903, un tableau selon Le Nain, c'est un tableau réinterprété façon pointilliste "Le Retour du baptême",en 1917, un tableau selon Puvis de Chavannes, c'est "Le Harem", en 1906 et l'on pourrait ainsi multiplier les exemples. Mais, en même temps, on a l'impression qu'il se cherche, qu'il cherche son propre style en avançant dans différentes directions.
Par exemple dans la représentation des femmes, il peut peindre à la fois cette toile "Grand nu debout" Gosol, en 1906 (huile sur toile, MoMA, New-York) où une fine silhouette de femme ocre, à la nudité à peine suggérée, se détache sur un fond de sanguine rouge et se raccroche pour moi indéniablement à des racines lointaines, à des racines africaines.
Plus tard, il peut peindre cette "Grande Baigneuse", en 1921 (huile sur toile, musée de l'Orangerie, Paris, collection Jean Walter et Paul Guillaume) au corps monolithique, massif qui occupe presque tout l'espace du tableau. La tête, petite, apparaît totalement disproportionnée par rapport à la lourde musculature, aux bras et aux jambes puissants et au torse digne d'un colosse.
"L'œuvre appartient à une série de nus monumentaux réalisés par Picasso à partir des années 20 et rattachés à sa période dite néo-classique. Ces nus, par le thème même, le retour à la perspective et au modelé traditionnel, évoquent la statuaire antique et certaines sources picturales classiques.
Et plus tard encore, en 1923, il peut peindre "Olga" (huile sur toile, collection particulière) ce superbe portrait de femme, en camaïeu de bruns, non seulement pour le fond du tableau, mais également pour les vêtements, le fauteuil, et surtout le visage et les mains, une prouesse ...
Mais tout cela reste encore de facture très classique.
A suivre ...