Les sonorités de mon enfance…les « Aïoh ! ».
Les « Eh toi ! » et les « Pov’misèr » qui me reviennent.
Je les entends résonner en moi de nouveau. Avec une insistance qui leur donne trop de relief. Une chaude familiarité qui balaye tout.
Je les avais oubliés durant de longues années. Comme une plante oublie son terreau en grandissant.
Et voilà que je me mets à les prononcer, ces mots familaux, familiers qui me reconquièrent.
Ils me reviennent, portés par les voix d’antan.
Par toutes ces voix qui m’entouraient, m’encoconnaient.
Sonores. Ils jaillissent dans ma boîte crânienne. Un petit peu comme éclateraient des pétards.
Ils jaillissent du profond de mon passé, de mon être.
Et – stupeur – j’avise combien ils font partie de moi.
Sonore. Leur chantante chaleur s’était inscrite. S’était aggripée aux neurones à mon insu.
Leur résonance ravive la chaleur de mon âge tendre. Elle leur confère une luminosité dense, ambrée. Une plénitude sphérique qui les impose, leur donne cette force singulière, incontournable. Cette énergie de mascaret qui se déverse.
Longtemps, j’ai cru en avoir fini avec eux.
Alors, qui peut expliquer ce retour en force ?
L’âge ? Qui ramène au plus essentiel de soi ?
Je réalise qu’ils m’appartiennent, ces mots-boomerangs.
Les voilà qui réveillent leurs sonorités. Qui s’éveillent après une lente dormition. Tels des enfants, dont le long sommeil n'a
fait que décupler l'élan.
Les voilà qui retentissent à nouveau dans l’air. Par ma bouche, qui les expulse, presque malgré
elle.
Me ramenant à bon port et bouclant la boucle.
Restituant mon lien à l’île originelle.
A l’île qui m’attend, là-bas, au bout du monde.
Mots de ventre. Mots mammaliens. Mots d’alizé.
Je me les réapproprie, car ce sont mes mots. Parmi les premiers mots qui m’ont été donnés.
Ils sont, au fond, ce que j’ai de plus spontané, de plus réel.
Patricia Laranco
Le 20/01/2009.