(Eléonore et Patrick, le soir, à la maison).
Comment ça va ?
Je ne sais pas bien répondre à cette question-là...
Ben réponds mal... On n'est pas toujours obligé de répondre bien à une question...
Je... Je ne sais pas trop... Non, vraiment, je ne sais pas quoi te répondre.... En fait, je ne comprends pas cette question. Tu me parles mais elle ne me parle pas.
Pourtant, elle n'est pas compliquée. Tous les jours des millions de gens se la posent. On n'en fait pas un fromage.
Moi, je n'y réponds jamais. Souvent, d'ailleurs, ça m'amuse des fois, ça ne surprend personne.
Pourquoi ?
Je ne sais pas.
Je veux dire, pourquoi tu n'y réponds jamais ?
(soupir) Je viens de te le dire ! Mais tu ne veux pas l'entendre, on dirait.
Si, je t'écoutes, je te le promets. J'ai compris que cette question, tu ne la comprends pas mais moi je ne comprends pas ce que tu ne comprends pas. Et puis en plus, tu me réponds puisque nous parlons.
Oui, nous parlons, mais je ne réponds pas à la question. Et toi tu le dis toi-même : tu ne m'écoutes pas, tu m'entends. Comme si j'étais de la musique. Un bruit. Un son.
Tu exagères, quand même ! Pas à ce point, quand même. (long silence) Ceci dit, ce n'est pas con, ce que tu racontes. C'est vrai, n'empêche. On ne fait pas assez attention à ce que l'autre dit, à comment il le dit. Et pas plus, on ne fait attention à ce que l'on dit, et comment on le dit. J'avais jamais fait gaffe, tiens.
....
Tu sais ce que je crois, là ? Tu sais ce que je me dis, du coup ? Eh bien que tu vas bien. Parce que tu ne m'as pas dit que tu n'allais pas bien.
Mais je n'ai jamais dit ça ! D'ailleurs, tu ne m'as pas demandé si j'allais bien ou mal, tu m'as demandé comment ça va.
C'est la même chose, non ?
Non.
Ben si. Enfin... C'est comme ça que ça marche.
Non. D'ailleurs, ça ne marche pas trés bien...
Là, c 'est moi qui ne comprend pas.
Qui ne comprend pas quoi ?
Ce que tu dis, enfin non, ce n'est pas ça. Je ne comprends pas où tu veux en venir, en fait.
Mais je ne veux en venir nulle part. Qu'est-ce qui te fait penser ça ? Est-ce qu'il faut toujours, quand on parle à quelqu'un, qu'on veuille aller quelque part, comme tu te dis. Tu sais, souvent, tu me reproches de ne pas parler, de me taire. Eh bien c'est pour cette raison-là. Ce verbiage, ce bavardage, ces arrière-pensées. Les gens ne savent plus se parler, voilà la vérité.