Sur une route du Hamgyong du Nord, de retour de visite d’entrepôt. Dans la voiture, je suis en compagnie de mon traducteur et de l’officiel du comité populaire de la province, qui nous accompagne à chaque déplacement sur le terrain.
L’ambiance n’est pas vraiment détendue, la semaine a été difficile pour tout le monde. On regarde la route et les champs défiler sans un mot, en écoutant sur l’autoradio une cassette des habituelles et emphatiques chansons made in DPRK.
Le repas de midi avec les officiels locaux a été copieux – malgré mes protestations - et chacun commence à dodeliner de la tête. Le chauffeur, fait inhabituel, semble fatigué et prêt à piquer du nez. Bien décidé à ne prendre aucun risque et à le réveiller, je branche mon lecteur mp3 sur l’autoradio – j’avais réussi à dénicher un adaptateur sur le marché Tongil -,et choisis la musique la plus violente en stock. Ce jour-là, Justice, un groupe électronique français, que je n’apprécie pas démesurément d’ailleurs.
Mais bon, c’est une musique de rythmes bourrins, de basses répétitives, de sons désagréables qui grincent en cadence accélérée, alors je me suis dit que ça ferait l’affaire. Tout le monde a sursauté et s’est réveillé.
Les rizières et les champs se sont mis à défiler au son de rythmes bizarroïdes.
Je peux vous dire que ça n’a pas amélioré l’ambiance, dans la voiture.
Le chauffeur a grogné, signe rassurant de réveil. Il a remonté sa vitre en catastrophe. Mon traducteur, résigné, a levé les yeux au ciel – on lui avait déjà fait écouter du rap la veille. L’officiel, à moitié intéressé, a demandé si c’était de la musique, l’absence de paroles le troublant visiblement.
Bref, je me suis dit c’est pas demain que j’ouvrais mon club techno à Cheongjin.
Après on a remis la cassette. On entendait les soupirs de soulagement dans la voiture. Les miens compris.