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La Bible de Souvigny - Son histoire

Publié le 23 janvier 2009 par Gérard Charbonnel @gcharbonnel

Chef-d'oeuvre de l'art médiéval en Bourbonnais

Imposante par sa taille, émouvante par son art, la Bible de Souvigny, résiste à l'oubli. Aujourd'hui encore, ses quatre cents feuillets et trente deux kilos en font l'orgueil de l'Allier. A la fois renommée et méconnue, la Bible de Souvigny reste l'un des grands chef-d'oeuvres du Bourbonnais médiéval.

La Bible de Souvigny est le chef de file d'une série de manuscrits à peintures du Centre de la France réalisées à la fin du XIIe siècle. Matériellement, il s'agit d'un manuscrit sur parchemin. Il contient 200 bifeuillets de 56 sur 78 cm pliés en deux, soit 200 peaux de moutons ! Il pèse 32 kgs. Deux copistes ont transcrit les textes. Chacun pouvait recopier 170 à 200 lignes par jour. L'écriture des 400 feuillets représenterait au moins un an et demi de travail. Cinq grandes peintures, plus d'une centaine d'initiales historiées et des miliers de lettrines régissent le texte biblique.

➥ Son histoire

En 1173, le prieuré clunisien de Souvigny, lieu consacré par les dépouilles mortelles de Saint-Mayeul et de Saint-Odilon de Mercoeur, est au bord de la ruine. Mauvaise gestion, impôts injustes et abusifs, rentes et emprunts non remboursés ont dilapidé ses fonds. Sous l'abbatiat d'Aimeric ( 1183 - 1206 ), la situation s'est assainie et un retour à la prospérité a permis l'achat de terrains, d'un moulin et la construction d'une salle capitulaire.

C'est à ce moment, semble t-il, que le sacristain Bernard fit faire un retable et un frontal pour l'autel de Saint-Mayeul ainsi qu'une dizaine de manuscrits, dont un missel et épistolaire, chacun orné d'une couverture en argent, deux autres missels, un office de la Vierge relié avec un psaultier, la moitié des " Moralia in Job " de Saint-Grégoire le Grand, un exemplaire des Sentences de Pierre Lombard, un nouveau recueil des vies de Saint-Martin, Saint-Mayeul et Saint-Ménélé et enfin, " un livre très précieux contenant l'ancien et le nouveau testament ". ( Preciosissinam historiam continentem novum et vets Testamentum ).

L'historia qu'a fait faire Bernard est très vraisemblablement la Bible de Souvigny, une grande Bible en un seul volume, appelée parfois " pandectes " au haut moyen âge, du grec " qui comprend tout ". La taille monumentale des pandectes confère au volume une présence, un caractère vénérable et solennel.

En 1415, le manuscrit semble avoir été transporté jusqu'en Suisse pour y être consulté lors du concile de Constance où se déroulait le procès de Jean Hus. C'est certainement la gravité de l'occasion qui justifia un tel recours. Selon un inventaire et jusqu'en 1832 où le manuscrit fut à nouveau relié, une inscription indiquait : " Biblia magna a patribus concilii constanciensis consulta anno domini 1415 ".

Cette inscription avait été remarquée par Dom Martine en 1708. Il publia le récit de sa visite au prieuré en 1717 dans le Voyage littéraire de deux Religieux Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur.

Voici un extrait de sa description du monastère :

" L'église est fort belle et fort grande; elle a été rebâtie sur les fondemens de celle de Saint-Mayeul par le prieur Geoffroy Cholet, qui avoit été auparavant religieux du Mont Saint-Michel. Ce monastere luy est redevable de la splendeur avec laquelle il subsiste aujourd'hui; il luy doit en particulier la plupart des manuscrits qui sont très beaux et en grand nombre dans la bibliothèque, la plupart des pères de l'église, quelques-uns d'Alcuin. On estime sur tout une grande bible de Basle et dont on a offert plus de deux mille livres ".

Malgré la confusion à l'égard du concile, ce récit témoigne du respect, voire de la convoitise que suscitent encore les pandectes au XVIIIe siècle. Curieusement, c'est ce même paragraphe qui donne naissance aux hypothèses de plus en plus fantaisistes pour expliquer les origines de la Bible de Souvigny.

Selon certains, ce serait le prieur Geoffroy Cholet qui aurait donné la Bible au monastère au XVe siècle. Selon d'autres, la Bible serait même originaire du Mont Saint-Michel. Durant des années, mythes et observations exactes se cumulent, se côtoient, sans solution décisive. Par ailleurs, les offres se renouvellent. En 1832, sur proposition du maire de Moulins, la Bibliothèque Royale accepte d'échanger la Bible moyennant trois mille francs en livres imprimés. Le conseil municipal juge la proposition satisfaisante.

Présentée au public plusieurs fois, ce n'est qu'en 1954, lors de la grande exposition de Manuscrits à peintures que la Bible retrouve son véritable contexte d'origine, à côté de celles de Lyon et de Saint-Sulpice de Bourges. Cependant, huit cents ans après sa naissance, la Bible de Souvigny garde son mystère et sa présence.

D'après un texte de Patricia Stirnemman


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