Après la ferveur qui a accompagné le récent bidet ( B-Day….hum désolé) , ce
n’est pas tomber dans le Barackobamania que de constater que la popularité du
nouveau président américain est extrêmement importante aux USA et plus
largement dans beaucoup de pays du monde. Aux Etats-Unis, celle-ci déborde
largement le périmètre de ses électeurs puisque selon le dernier sondage ABC/
Washington Post il bénéficierait de 80 % d'opinions favorables alors qu’il n’a
été élu que par 53 % des votants qui ne représentaient eux même que 66% des
électeurs.
Cette cote de confiance rarement égalée présente à la fois un avantage et un
inconvénient.
L’inconvénient est évidemment qu’une attente trop forte peut rapidement
générer une déception tout aussi forte si pour une raison ou pour une autre
Obama n’arrive pas à y répondre.
C’est un peu, toutes proportions gardées, ce qui est arrivé à Sarkozy qui de
65% d’opinion favorables en Juillet 2007, a dégringolé en 7 mois jusqu’à 36 %
(sources CSA). Ses objectifs de campagne non atteints (Il a laissé croire que
son volontarisme allait permettre de trouver des solutions quasi-immédiates à
tous les problèmes de la France), l’ambigüité autour de la notion de rupture et
la découverte de certaines facettes de sa personnalité ont provoqué un brusque
revirement de l’opinion.
Barack Obama semble en être parfaitement conscient puisqu’il se garde bien
d’annoncer des miracles et de proches lendemains enchanteurs mais qu’au
contraire il annonce que des jours difficiles attendent l’Amérique.
De plus, il positionne son action sous le patronage d’une nouvelle moralité
- « Ce qu'il nous faut, c'est une nouvelle déclaration d'indépendance, pas
simplement dans notre pays, mais dans nos propres vies, une indépendance
vis-à-vis de l'idéologie et de l'étroitesse d'esprit, du préjudice et du
sectarisme" - et non pas, comme l’a fait Sarkozy, sur des objectifs concrets
dont il s’est bien gardé de fixer les échéances et les conditions !
D’ailleurs, en la matière, son premier geste de Président est extrêmement
bien choisi puisqu’en annonçant la fermeture de Guantanamo, il prend une
décision à effet presque immédiat, qui ne coute pas grand-chose et qui
symboliquement a un effet extrêmement fort !
Bon, tout cela pour dire que la cote de confiance dont bénéficie Obama
présente à la fois un risque si celui-ci déçoit ses fans qui attendent beaucoup
(trop) de lui mais également une opportunité.
En effet, par ces temps de crise, le facteur psychologique est
particulièrement important. La confiance des populations dans la capacité de la
Société à laquelle ils appartiennent à se sortir de ce mauvais pas, elle-même
largement dépendante de la capacité de leurs dirigeants à trouver des solutions
pour les protéger et leur redonner confiance en l’avenir est
déterminante.
Elle est déterminante pour 2 types de raisons :
Tout d’abord, évidemment, pour éviter une crise de confiance qui pourrait
conduire à des retraits massifs des dépôts bancaires et donc à une faillite en
chaine du système bancaire mais sans aller jusque là, qui provoquerait un
attentisme généralisé qui, par un effet boule de neige, bloquerait
l’économie.
L’autre type de raison est que, face à une crise de grande ampleur telle que
celle que nous connaissons, il est important de réagir vite et bien. Pour cela,
des dirigeants qui ont la confiance et donc le soutien d’une large majorité de
leur population et dont l’opposition politique permet un certain consensus,
sont largement favorisés. C’est le cas d’Obama et donc des USA, ce n’est pas
celui de Sarkozy et donc de la France.
En France, alors que la situation nécessiterait un minimum de consensus
national, même provisoire, la situation politique parait de plus en plus
conflictuelle et bloquée.
Besancenot et son discours radical est dans tous les medias.
Le Parti Socialiste, pour montrer qu’il existe, a systématisé et radicalisé
son opposition à Nicolas Sarkozy. Il en est réduit à faire de l’obstruction
systématique …et bien évidemment stérile. Même lorsque fondamentalement il est
d’accord, le mieux qu’il trouve à faire c’est de s’abstenir (Cf. Traité
constitutionnel européen, Afghanistan…).
Et ce phénomène ne touche pas que les « politiques »
professionnels mais également beaucoup de ceux qui se sentent concernés par la
politique. Il suffit de vagabonder sur le Net pour constater que la fracture
entre les opposants à Sarkozy et les autres (c'est-à-dire aux fans de Sarko
mais aussi à tous ceux qui ne lui marquent pas une opposition absolue et
intransigeante) se creusent de plus en plus (cf. blogs et
commentaires).
Parmi les syndicats, les plus radicaux font de plus en plus parler d’eux et
les autres ne veulent surtout pas donner l’impression de répondre positivement
à une proposition de ce gouvernement si antisocial.
Le dernier et particulièrement révélateur exemple en date est celui du
projet sur l’Assurance chômage.
Un accord a été négocié avant Noël par le MEDEF et les syndicats. La CFDT
avait indiqué » y être favorable, jugeant ce projet positif sur un certain
nombre de points. Pour la CFDT, malgré des "manques", l'accord "renforce les
sécurités contre une aggravation de la précarité" et "constitue une avancée
importante des droits pour les salariés et demandeurs d'emploi" !
Mais les trois autres principaux syndicats ont déjà annoncé qu’ils diraient
"non" et FO qu’il pourrait même exercer son droit d’opposition. La raison de
leur refus serait la clause du protocole prévoyant que les cotisations
patronales et salariales pourraient baisser, à partir du 1er juillet 2009, à
chaque fois que le résultat d'exploitation semestriel de l'assurance-chômage
dépasserait 500 millions d'euros.
Pourtant, cette mesure demandée par le MEDEF ne semble pas franchement
scandaleuse puisqu’elle consiste à adapter les cotisations (payées par les
salariés et les entreprises) à la situation financière de l’Assurance chômage.
Pour 2008, l'Unedic prévoyait un excédent de 4,5 milliards d'euros.
La position de François Chérèque sur ce point (cf. entretient sur Europe1 de
ce jour) est la suivante :
- Ce protocole constitue une avancée notamment par le fait de raccourcir de 6 à 4 mois la durée de travail nécessaire pour que les chômeurs soient indemnisés ce qui permettrait d’élargir les conditions d'accès à l'indemnisation pour les jeunes et les précaires.
- Avec la forte montée du chômage prévue en 2009, la baisse des cotisations a peu de chances d’être mise en application.
- Si il n’y a pas d’accord entre les syndicats, c’est le gouvernement qui
imposera son projet.
Tout cela se tient assez bien et montre qu’avec un peu de volonté ; un
compromis aurait pu être trouvé et accepté par tous. Mais non ! Ce n’est
pas possible !
Cet exemple est particulièrement significatif de l’exécrable climat
politique qui sévit en France. Il est impossible d’obtenir un consensus même
quand les positions des uns et des autres ne sont si éloignées. Pire encore, le
seul syndicat qui accepte d’avoir une attitude un peu constructive est
considéré comme un traitre « … à la botte du MEDEF ». La CFDT se voit
encore reprocher par beaucoup, son accord sur la réforme des retraites de 2003.
Pourtant celle-ci était nécessaire, à tel point qu’il faut maintenant, d’une
manière ou d’une autre, aller encore plus loin face à un régime des retraites
qui risque de friser les 10 milliards d’euros de déficit pour 2008.
On préfère l’attitude de la CGT qui n’a jamais rien signé depuis des
décennies ou de FO qui fait systématiquement dans la
surenchère !
Tous ces éléments, parmi beaucoup d’autres, témoignent d’une Société
crispée, agressive et repliée sur ses corporatismes, incapable de se mobiliser
sur la base d’un même projet. Tout ceci n’est pas vraiment nouveau mais en
cette période troublée cela devient fortement handicapant !
En l’absence d’un Sarkobama capable de créer un réel consensus sur les manières de réagir face à la crise et de nous rassurer sur l’avenir, je crains que ni les naïfs messages bisounouresques de Christine Lagarde sur l’exception française en matière de crise, ni les qualificatifs dithyrambiques dont Nicolas Sarkozy a affublé son plan, ne soient suffisants pour créer cet élan positivement consensuel dont nous aurions pourtant bien besoin ! Comme dirait le proverbe: crise sans consensus, crise qui s'éternise !