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".../... Quand on me demande aujourd'hui ce qu'est ma mère, je réponds la plupart du temps qu'elle est fatiguée. On est très fatigué quand on travaille toujours plus qu'il ne faudrait et qu'on ne sait que répéter qu'on travaille trop. Le travail fait vieillir; Mes parents rentrent de leur travail et parlent de leur travail. Mon père ôte sa chemise et prend un bain de pieds dans la salle de bain. Il travaille dans une usine où le bois est transformé en meubles mais hélas, il n'est pas bûcheron, il est assis entre des ordinateurs dans une pièce où il y a un calenrier de table sur chaque bureau et il porte une chemise. A la maison il ne porte jamais de chemise et travaille dans son atelier, mais là il ne parle jamais de travail. Il dit qu'il supporte encore moins les chiffres qu'il ne supporte notre gouvernement. Papa essuie ses lunettes et en examine de près les verres en faisant la grimace pour y distinguer des taches. Quand j'aurai son âge, j'aurais ses cheveux gris sur les tempes. Quand j'aurai l'âge de ma mère, je serai moi aussi capable de parler une heure d'affilée de soucis, mais il ne s'agira pas de mes soucis à moi. En fait maman aurait voulu faire du patinage artistique. Et maintenant, elle patine et s'échine devant nos tribunaux. Elle dit: cette législation elle devient presque sympathique à force d'être démunie. Le soir, elle prépare les sandwichs pour le travail : Bon alors je vais préparer les sandwichs pour le travail- c'est une phrase qu'elle répète toujours, c'est comme le bain de pieds de mon père. Je me demande pourquoi ce n'est pas pour elle et papa qu'elle prépare les sandwichs. Un jour, j'ai réagi : Un travail, ça n'a pas besoin de manger, et ma mère a répondu : Mais si, mais si, il me dévore jour après jour..../..." extrait de: "le soldat et le gramophone" de sasa stanisic- la cosmopolite- stock-