S’inscrivant dans une longue tradition littéraire remontant aux « Notes de chevet », poétiques listes établies au XIème siècle par la courtisane Japonaise Sei Shônagon (et qui a inspiré le film de Peter Greenaway « The pillow book », d’où est extraite la photo qui sert de bannière à ce blog), Charles Dantzig donne une ampleur nouvelle à la liste avec l’ouvrage le plus surprenant de cette rentrée littéraire hivernale « Encyclopédie capricieuse du tout et du rien ».
Que ceux qui bailleraient déjà d’ennui devant les 800 pages de listes se rassurent : les listes selon Dantzig sont bien plus que de simples énumérations à la Ben Schott (l’auteur du best-seller « Les Miscellanées de Mr Schott »). Véritable Zelig de la littérature, Dantzig jongle avec les styles et passe avec brio d’un inventaire lapidaire claquant comme un haïku (comme la liste des titres contenant le mot « dimanche » ) à un portrait finement ciselé, se glisse dans la peau des grands moralistes le temps d’une méditation sur les villes, l’amour ou Venise, fait suivre un hommage (sublimes pages sur Fitzgerald et Proust) par d’élégantes saynètes avant d’épingler avec humour les ambitieux, les vaniteux, les critiques littéraires et les mauvais écrivains (et il cite des noms !).
Comme dans son « Dictionnaire égoïste de la littérature française », l’auteur agace parfois - par exemple pourquoi en veut-il au Balzac de Rodin qu’il décrit en «concierge du boulevard Raspail » ?- et on a envie de le contredire, mais ces agacements sont de courte durée car tant d’érudition, d’enthousiasme et d’humour forcent l’admiration. Dans un style alerte et élégant émaillé d’aphorismes, il partage ses enthousiasmes pour les « lieux de fééries », Venise, New-York, les danseurs, et ses détestations pour Flaubert, Guy Debord, « idole des niais » ou le mariage. Un délicieux mélange qui se savoure ligne à ligne.
« Encyclopédie capricieuse du tout et du rien » de Charles Dantzig, Grasset, 784 p., 24,90 €.