La désobéissance civile est de retour et elle n'est plus seulement l'arme des activistes. La faute à qui? A un pouvoir sourd, peut-être…
(source : http://www.marianne2.fr/Desobeissance-civile-l-arme-des-desesperes-_a174217.html)
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La désobéissance civile gagnerait-elle du terrain ? Réservée ces dernières années au milieu activiste (des Faucheurs volontaires aux militants du DAL), elle semble convaincre des catégories de la population jusque-là hermétiques à ce mode de contestation.
L’actualité regorge d’exemples.
À commencer dans l’Education nationale. Un peu partout en France, des enseignants du primaire ont décidé d’« entrer en résistance ». Certains ont pris le parti de boycotter les évaluations nationales en CM2 tandis que d’autres refusent d’organiser les deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée pour les élèves en difficulté — merci pour eux!
Le plus médiatisé d'entre eux, le premier à avoir opté pour la « désobéissance pédagogique » contre les réformes Darcos, s'appelle Alain Refalo. Et il le paye, en monnaie sonnante et trébuchante : deux jours de salaire lui sont désormais retirés chaque semaine.
Malgré cela, ils seraient 600 à Paris à avoir mis leur pas dans ceux de cet instituteur de la banlieue de Toulouse. Et bien plus encore sur le reste du territoire. Derrière ces actions, on retrouve des organisations radicales, comme Sud et la CNT. Mais, plus étonnant, on trouve également des organisations syndicales plus « classiques », très éloignées de l'anarcho-syndicalisme, comme le SNUipp ou la CGT.
L’Education nationale n’est pas la seule à connaître une résurgence de la désobéissance civile. Les agents de la statistique publique en ont aussi fait une arme médiatique pour lutter contre la délocalisation d’une partie d’entre eux à Metz. Courant décembre, le collectif « Sauvons la statistique publique » a ainsi organisé la rétention, pendant quelques jours, des indicateurs et des enquêtes. Il est même allé jusqu'à bloquer, 24 heures durant, l’accès au site internet de l’Insee qui accueillerait quotidiennement 50 000 visiteurs.
« Les gens sont prêts à bloquer la machine »
Education nationale, statistique publique, mais aussi santé et justice. La preuve avec « L’Appel des appels », une initiative qui s’est fixé pour but de fédérer toutes les récentes mobilisations contre la politique gouvernementale. Le psychanalyste Roland Gori fait partie des initiateurs de cet Appel. Dans les colonnes de L’Humanité du 22 janvier 2009, il annonce la suite : « L’initiative s’inscrit dans la durée. Le 31 janvier, nous sommes reçus au « 104 », ce centre culturel dirigé par Robert Cantarella (et situé à Paris, ndlr). (…) Cette journée sera une étape de témoignages des acteurs sociaux (justice, éducation, recherche, information, soin) qui, quotidiennement, dans leur pratique, sont en souffrance. » Témoigner, certes, mais après ?
Roland Gori explique qu’après la phase des débats, il pourrait être lancé… « un appel à la désobéissance administrative » : « Les gens sont prêts à bloquer la machine de l'évaluation. C'est une étape de la censure sociale et matrice permanente du pouvoir politique actuel qui nous invite à consentir librement à notre propre soumission sociale. »
Pourquoi la désobéissance civile — dont l'invention ne date pas d'hier — rencontre-t-elle un tel succès aujourd'hui ?Serait-ce parce que les outils de lutte classiques comme la grève ne paient plus (si on excepte la petite reculade-pour-mieux-sauter de Darcos face aux lycéens) ?
Serait-ce parce que le chef de l’Etat et son gouvernement affichent un mépris sans bornes pour les mouvements sociaux (souvenez-vous de la fanfaronnade de Nicolas Sarkozy en juillet dernier : « Maintenant quand il y a une grève, plus personne ne s’en aperçoit »). La désobéissance pourrait donc se nourrir de « la souffrance », comme l'explique Roland Gori, ou pire de la désespérance. Quelles qu'en soient les raisons, la radicalisation des mouvements sociaux est en tout cas en marche et le pouvoir continue à faire la sourde oreille. Pour mieux la dénoncer, mon enfant ?