Le plus gros risque, mais très bien évité par Julien Temple, c'était que le film tourne à l'hagiographie. Lorsque le film a été tourné, les témoignages recueillis, la mort de Strummer était encore toute récente. Mais pourtant, tous les témoignages sont intéressants, et témoignent de l'importance qu'a eue Strummer, non seulement avec les Clash, mais aussi en tant que personne.
Le travail qu'a mené Temple pour réaliser son film est proprement vertigineux. Monté de façon chronologique, depuis la naissance de celui qui n'était pas encore Joe Strummer, le film comporte de très nombreuses archives vidéo, photos et aussi audio, avec de très nombreux entretiens avec le musicien. Posant avec précision le contexte familial dans lequel Strummer a évolué, les témoignages de ses amis permettent de se faire un portrait précis de cet être pas tout à fait comme les autres. Pointant avec acuité les contradictions qui ont jalonné le parcours de Strummer, comment il a du surmonter l'indifférence de ses parents, le suicide de son frère et comment il s'est, en défiance par rapport à ça, construit tout seul.
Personnage complexe, il n'a ainsi jamais hésité à tourner le dos à des amis, un groupe s'il considérait qu'il n'y trouvait plus son intérêt. Pourtant, on sent, chez les gens intéressés, qu'il avait un tel charisme que ces revirements n'ont pas toujours affecté les relations entre Joe et eux. La portion du film sur les Clash est bien entendue importante et captivante, avec l'influence de Bernie Rhodes ou l'explosion, presque prévisible du groupe, qui avait fini par devenir ce qu'il rejetait en bloc avant. Mais le dernier tiers du film, sur la "reconstruction" de Joe Strummer, est certainement la plus touchante. On y voit un être qui cherche pendant de longues années à se retrouver, à chercher par où avancer, et c'est formidable de voir les dernières images du film. Il a pris du poids, la voix est plus hésitante, mais il dégage quelque chose que très peu ont, une espèce d'aura presque palpable, d'énergie et de force de vie.
La fin, hélas, tout le monde la connaît. Mais il reste, derrière lui, un ensemble d'oeuvres, de musique, un style qui perdurera encore longtemps : farewell, Mister Joe, et merci pour tout ce que vous avez apporté, à la musique et aussi à beaucoup de monde...
Trailer de "The future is unwritten" sur Youtube (intégration impossible)