M. Winfred Hammond, entomologiste et Représentant de la FAO au Libéria, qualifie la situation de véritable urgence nationale et met en garde contre une probable extension de cette invasion à des pays voisins, notamment la Guinée, la Sierra Leone et la Côte-d’Ivoire.
Les chenilles qui mesurent deux à trois centimètres sont, selon des témoins oculaires, “noires, rampantes et poilues”. Elles progressent par dizaines de millions dévorant tout ce qui pousse sur leur passage et, dans certains cas, dévastant des maisons et des immeubles. Elles représentent une grave menace pour la sécurité alimentaire déjà précaire au Libéria et dans la sous-région.
Encerclés par ces bêtes rampantes, les paysans dans certaines communautés rurales n’arrivent plus à rejoindre leurs fermes. Quelque 46 villages dans les provinces de Bong, Lofa et Gbarpolu ont été touchés tout comme les deux tiers des 200 000 habitants de la province de Bong qui a le plus souffert de l’invasion.
Selon certains rapports, il s’agirait de chenilles du genre légionnaire africain (Spodoptera spp) qui se dirigeraient en direction de la frontière avec la Guinée.
La situation est aggravée par le fait que plusieurs puits et cours d’eau sont devenus impropres à la consommation à cause des défécations des chenilles. En outre, une grande partie des surfaces infectées sont inaccessibles pour les véhicules automobiles, ce qui rend incertaine la détermination exacte de l’ampleur du désastre.
La FAO a réuni une cellule d’urgence comprenant des experts du Ghana et de la Sierra Leone pour évaluer la situation, préparer un plan d’action immédiate et élaborer des mesures à moyen et long terme, indique M. Hammond.
Des spécimens de ces chenilles ont été transportés en avion jusqu’à Accra aux fins d’identification. Ainsi il sera possible de déterminer le pesticide le plus approprié pour décimer la vermine.
Le Libéria a mis sur pied trois comités pour faire face à la crise. Ils s’occupent respectivement de planification, de mobilisation des ressources et de communication/information. Le pays a besoin d’une assistance extérieure, car il ne possède pas assez de ressources financières et d’expertise technique pour se tirer d’affaire tout seul, précise M. Hammond.
Toutefois, l’expert de la FAO met en garde contre l’épandage aérien qui contaminerait les points d’eau, lesquels sont déjà dans une situation déplorable. Mais quelle que soit la méthode utilisée, la FAO recommande l’usage notamment de biopesticides efficaces et appropriés pour éviter de polluer davantage.
Dans certaines zones déjà traitées aux pesticides par pulvérisation manuelle, les chenilles sont revenues à la charge, car elles avaient réussi à se retrancher dans le feuillage des arbres géants — tel le Dahoma — qui font plus de huit mètres de haut.
L’infestation se répand rapidement du fait de deux facteurs : d’abord les bêtes se multiplient à un rythme soutenu et ensuite parce que les phalènes peuvent parcourir de longues distances la nuit sous le couvert de l’obscurité.
Ce fléau est la pire catastrophe du genre que le Libéria ait connu depuis 30 ans. La dernière invasion de chenilles dans la sous-région s’était produite au Ghana en 2006.
Source : FAO, ONU