Raimondo di Sangro, des Princes de Sansevero, (1710-1771) fut un esprit libre, curieux, scientifique, éclairé; maçon et libertin, il fut rejeté par l’Eglise. Au sous-sol de la Chapelle Sansevero à Naples figure le résultat d’une de ses expériences : deux écorchés au système nerveux remarquable de précision, dont la réalisation (à partir, dit-on, des cadavres de deux de ses domestiques) reste un mystère (évocateur de Fragonard, qui est de nouveau visitable).
Mais la chapelle elle-même est autrement passionnante, oeuvre d’art complète, cohérente, où chacune des sculptures a sa place dans un ensemble, dialogue avec les autres, et a parfois plus de sens qu’au premier abord : onze monuments familiaux, 14 statues, et, au centre, le si fameux Christ voilé de Giuseppe Sanmartino : comme pour cette tête,
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Mais, plus que ce must touristique, ce sont deux des sculptures qui m’ont attiré là. La Pudeur, d’Antonio Corradini, elle aussi voilée, est bien impudique sous ce léger tissu qui ne cache rien de ses courbes voluptueuses : c’est une représentation de la mère du Prince, morte peu après sa naissance et qu’il ne connut donc jamais. La pierre tombale brisée sur laquelle elle s’appuie chante ses mérites. Mais quelle étrange idée que de représenter sa propre mère, quasi inconnue, sous ces traits érotiques, pour symboliser la pudeur : c’est bien plus la sagesse initiatique qui semble être ici en jeu.
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Derrière les apparences religieuses, sans doute un sens caché, en harmonie avec la philosophie des Lumières.