Les banques font des bénéfices ! Ces voleuses...

Publié le 23 janvier 2009 par Careagit
Oh, my god... Qu'a t-on peut lire dans les colonnes de nos quotidiens économiques préférés hier ? Que les banques françaises s'apprêtaient à publier des résultats 2008 positifs... BNP Paribas, Crédit Agricole SA, Crédit Mutuel et la Banque Postale finiront donc l'année du "crédit crunch" avec un orgueilleux Résultat Net dans le vert...
Vous sentez bien le hic. Mais si enfin, faites un effort, il y a quelques semaines seulement, la plupart des États occidentaux constituaient de biens beaux matelas destinés à amortir la lourde et affolante chute des établissements bancaires mondiaux. Suite à cela, qu'elle n'est donc pas notre surprise de voir les victimes d'hier se pavaner aujourd'hui et même distribuer les fruits de leurs exercices rentables à leurs actionnaires!
Évidemment, cette comparaison rapide émerge sur la toile. Mon confrère des Left Blogs, Marc Vasseur s'est empressé de pointer du doigt le paradoxe, relayé par quelque uns de ses commentateurs, d'ailleurs moins ouverts au dialogue que le taulier lui même. Ailleurs, constats et critiques sont les même. Les approximations et les erreurs aussi.
Car établir une corrélation entre le plan de sauvetage des banques et leur rentabilité annoncée est idéologiquement aisé - et même plutôt efficace - mais demeure, d'un point de vue comptable, totalement erroné. Je ne tiens sûrement pas à me présenter comme un spécialiste de la chose mais quelques précisions doivent, tout de même, être apportées au débat. Gageons que les experts en la matière s'occuperont de corriger les éventuelles approximations.
Pour commencer un rappel. La crise des subprimes est survenue en conséquence de prêts accordés à des ménages non solvables. La diffusion de cette crise fut, elle, purement financière, une banque X refilant des titres pourris à une banque Y, créant de ce faire une perte partielle de confiance d'établissements entre eux et bloquant d'autant plus le marché interbancaire. En termes comptables, les titres détenus par une entreprise se retrouvent dans un document comptable appelé le Bilan. Le bilan comptable est un document destiné à pointer ce que l'entreprise possède (immeubles, terrains, titres mais aussi dettes, capital etc...). Avec la dépréciation totale ou partielle des titres détenus dans l'actif des banques (les fameux titres pourris qui ont du être réévalués au regard de leurs contenances et des risques cachés derrières), les actifs des établissements financiers du Monde ont été sévèrement dévalués. C'est cela que les Etats ont aidé à réévaluer en injectant des capitaux dans chacune des banques victimes. Le plan de sauvetage c'était ça (1)
Aujourd'hui, les banques affichent avec fierté des Résultats nets dans le vert. Le Résultat Net désigne le résultat de l'exercice en cours, listé dans un document comptable appelé Compte de Résultat. Le compte de résultat est publié en fin de chaque année et se destine à retranscrire les charges et les produits d'une entreprise au cours de l'exercice. Une sorte de soustraction entre ce que l'on vend et ce que l'on achète. C'est ce document que les "non initiés" croient Roi. En l'espèce il n'est rien sans l'état des lieux général publié dans le Bilan.
S'exclamer aujourd'hui qu'il est scandaleux de voir les banques faire du profit alors même qu'elles étaient en besoin de capitaux il y a quelques semaines est donc relativement maladroit et comptablement strictement infondé. Dans un soucis de clarté, il demeure pourtant véridique qu'avec ces bénéfices, les banques citées devraient pouvoir redistribuer des dividendes aux actionnaires et allouer l'une ou l'autre partie de ces bénéfices à la "reconstruction" de leurs capitaux propres (ou fonds propres). Selon le montant des bénéfices, elles ne devraient donc plus avoir besoin de l'Etat français...
Au final c'est donc une plutôt bonne nouvelle qui signe la performance de nos banques nationales, renforce leurs positions sur le marché mondial et allège quelque peu l'ardoise de l'Etat sauveteur...
Anecdote pour finir. Après cette petite explication, vous ne vous étonnerez plus maintenant de la dissonance d'opinions entre grands patrons du CAC qui réclament cette année primes et bonus, et les politiques, poussés par une opinion publique réfractaire, qui ne souhaite pas voir un kopeck versé.
En réalité, pour ces banques comme pour d'autres entreprises, le Résultat Net de l'année 2008 est au rendez vous, en d'autres termes, l'entreprise à gagné de l'argent. Seulement la crise est passée par là et l'effort général pour soutenir les erreurs de certains mériterait au moins la suspension de toutes les primes et bonus de l'année.
Car après tout, nous sommes tous dans le même bateau.
(1) Plan de sauvetage qui était surtout constitué de garanties. L'État se portant garant pour relancer le marché interbancaire bloqué par un déficit de confiance entre les acteurs.