CAC mon amour

Mon coeur saigne de te voir ainsi te morfondre dans les bas fonds de ton graphique historique. Qu’il me semble loin le temps où tu grimpais à la manière d’un Lance Armstrong sur les pentes raides et sèches d’un intraday flamboyant.

Alpe d’Huez d’un monde fait de prolétaire souffrance - celle des autres - et de gloire éternelle - celle de tes thuriféraires bien informés, tu étais alors l’Everest que chacun désirait, cet Eldorado perdu où naissent des fortunes immenses, cet eden pour banquiers à bretelles, ce paradis perdu du trader caressant au creux de sa main engourdie d’avoir trop tapoté sur ses 7 ordis reliés en réseau les clés de sa rutilante nouvelle bête de course.

Avec ta soeur LSE vous aviez le beau rôle, donzelles en forme dont les formes faisaient se pâmer les éphèbes au teint d’albatre et aux costumes sombres. Les cravates rayées comme offrandes à tes charmes, les boutons de manchette nacrés comme des perles offertes sur l’autel de ta bienveillance et ta prodigalité.

Qu’il était doux alors de consulter le supplément du Times pour connaître les derniers grands crus à boire sans modération, les tocantes à s’offrir pour être sûr de partir avant 23H du boulot, les derniers modèles d’Aston Martin pour se sentir dans la peau de James tandis qu’une bimbo silliconée juste ce qu’il faut s’étendait dans nos bras musclés..

Ah ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii que c’était bon.

Il faut bien dire désormais que tu fais un peu la gueule mon ptit CAC d’amour. Je ne veux pas t’alarmer mais ton analyse technique n’est pas brillante ces derniers jours. Tu viens de choper une brisure de résistance, t’enfonçant un peu plus avant sous les 3.000 points, et je te l’annonce, je ne suis pas optimiste.

CAC, attention la descente

Par deux fois cette semaine tu as cloturé sous ta bollinger basse (en violet) et tes chandeliers sentent un peu le fondu, tes ouvertures sont extrêmement préoccupantes. Tu le sais très bien, un resserrement des Bollingers implique la naissance d’une tendance, et tu viens de donner un malheureux signal baissier. Je ne te félicite pas, on a la douloureuse impression que tu te laisses sombrer dans la torpeur de ceux dont le sang quitte les veines dans l’ambiance moite d’une baignoire d’eau chaude. Tu vois, non que je nourrisse une malsaine appétence pour ta déchéance mais j’avoue que l’étreinte putride des corps de banquiers autour des colonnades de ton palais n’est pas sans charme, ne me tente pas!

Tu nous livres un petit moment de nostalgie, ce petit côté suranné du fruit suri que l’on dépose sur la commode de grand mère tandis que l’on va lentement poser sa tête dans ses mains, au rythme lent de balancier d’un rocking chair antique. Ce moment intemporel, cette éternité qui précède la bascule dans le vide.

Non vraiment, autant j’appréciais la coruscante réussite de tes spendeurs d’antan, autant je trouve fascinante cette descente au fond du trou, l’Orphée de la finance à la poursuite d’une Eurydice de cashflow.

L’histoire n’étant qu’un éternel recommencement depuis que l’on a fait le choix historique de libérer la bête d’un capitalisme financiarisé mondial, je ne doute pas que tu retrouves bientôt le lustre qui faisait de toi le roi des indices d’ici peu. Des fortunes se feront alors à la vitesse d’une ferrari à fond de 6ème sur une départemenale sinueuse mais rassure toi, le monde n’oubliera pas les affres que tu as connu et il conservera pour toi la discrète affection que l’on porte à ceux qui ont trop souffert.

Allez va, tu peux aller jusqu’à 2.4000 points, tu sera toujours notre petit CAC d’amour!

Bise

Fred