De toutes les orientations choisies par la commission du Livre Blanc, l’emphase mise sur le renseignement est sans doute celle qui a suscité le plus large consensus parmi les observateurs : la menace terroriste, certes ancienne mais réactualisée par l’activisme transnational d’Al Qaeda, les dangers de la prolifération, mais aussi les incertitudes structurelles pesant sur un monde multipolaire en gestation, avec les inévitables frictions entre puissances que ce mouvement tectonique occasionne, sont venues se rajouter et donner une importance supplémentaire aux missions plus traditionnelles (intelligence économique, contre-espionnage, etc.) du renseignement intérieur comme extérieur.
Le politique, et il faut le noter pour s’en réjouir, semble avoir pleinement pris en compte, dans le contexte mouvant d’aujourd’hui, le potentiel que peut lui apporter le travail des organismes de renseignement, désormais réorganisés dans le but d’une meilleure efficacité globale.
Parallèlement, on sent dans l’opinion publique (aussi vague cette notion soit-elle par ailleurs et, conséquemment, aussi subjectives que puissent être les perceptions de l’auteur sur les représentations de cette dernière…) une double tendance :
- Une prise de conscience accrue, retombée probable de l’aggravation de la menace terroriste, mais pas seulement, de la nécessité de l’action des « services » pour préserver la sécurité du pays. Évolution favorable puisque la perception des opérations de renseignement s’éloigne ainsi du phantasme « jamesbondien » et sulfureux pour se rapprocher d’une réalité dont on comprend bien qu’elle doit rester la plus discrète possible pour être pleinement efficace. Cette exigence du secret qui doit entourer le monde du renseignement, pourtant apparemment peu compatible avec notre société qui exige généralement de tout savoir dans l’immédiat, semble désormais de mieux en mieux intégrée par nos concitoyens.
- Parallèlement, et sur le plan plus spécifiquement intérieur cette fois-ci, l’imbroglio de l’affaire Clearstream et le scandale provoqué par la « révélation » de certains documents sulfureux sur les mœurs politiques ont accéléré la nécessité de mieux contrôler l’action des services de renseignement, notamment par la voie parlementaire.
Pour faire le point sur ces questions, qu’il s’agisse de l’évolution très brièvement évoquée ci-dessus comme de la mise en perspective historique ou encore du rappel de quelques fondamentaux du renseignement, on ne peut que conseiller la lecture du dernier numéro de l’excellente revue « Questions internationales », édités par La Documentation Française. Cette publication, dont le sérieux est bien connu, propose en effet un dossier particulièrement fourni intitulé « Renseignements et services secrets » et dans lequel on trouvera notamment des entretiens avec Erard Corbin de Mangoux, le nouveau directeur de la DGSE, et Bernard Squarcini, directeur de la DCRI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur), la nouvelle structure naît de la fusion de la DST et des RG.
Toujours au chapitre des revues, et toujours sur la même thématique, signalons aussi que « Sécurité Globale » avait consacré son quatrième numéro à un dossier sur « La révolution du renseignement », une publication que j’avoue ne pas avoir lue, mais qui, connaissant la qualité générale des articles, devrait également intéresser ceux qui suivent ces questions.
Enfin, impossible d’aborder le sujet sans mentionner et recommander la consultation du remarquable blog de Spy-Drew, un site passionnant, riche et dense, à mettre sans hésitation parmi ses favoris.