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Publié le 22 janvier 2009 par Zelast

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Historique     de la culture du cannabis

 

au     Maroc, d'après l'UNODC  

 

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Les historiens     s’accordent pour établir l’existence de cultures de cannabis dans la région     de Kétama, dans le Rif central, au XVe siècle. Ces cultures remonteraient     à l’arrivée des immigrants arabes dans la région, à partir du VIIe     siècle.

 

A la fin du XIXe siècle, le voyageur français Moulieras     qui visitait la région, signalait que le cannabis était produit, quoique à     un niveau limité, dans la tribu des Beni Khaled. Le sultan Moulay Hassan (1873     – 1894) avait donné l’autorisation de cultiver le cannabis à cinq douars de     Kétama et Beni Khaled dans le pays Senhaja. Le cannabis du nord du Maroc était     produit pour l’autoconsommation, quoiqu’une part de la production fût aussi     destinée à la vente dans d’autres régions du pays. Au XXe siècle,     à partir de 1912, le royaume fut séparé en deux zones, l’une placée sous administration     française, l’autre sous tutelle espagnole. Dans le cadre du protectorat espagnol     sur le nord du pays, l’Espagne permit à certaines tribus de continuer à cultiver     le cannabis.

 

Durant les cinq ans pendant lesquels Abdelkrim maintint dans le Rif     un État indépendant (1921-1926), la production de cannabis diminua notablement     sous l’influence de ce chef berbère qui considérait que la consommation de     cannabis était contraire aux préceptes du Coran. Après la défaite du chef     rebelle, les autorités espagnoles consentirent, pour amadouer les tribus de     l’intérieur d’Al Hoceima, à la culture du cannabis autour du noyau initial     de Kétama.

 

En 1906, la conférence d’Algerisas avait concédé le monopole des     achats et ventes du tabac et du cannabis dans le pays à la Régie Marocaine     des Kifs et Tabacs, une compagnie multinationale à capitaux français. Cette     compagnie avait son siège à Tanger où étaient transformés le cannabis et le     tabac, le kif (mélange de tabac et de cannabis) étant aussi fabriqué dans     une usine de Casablanca. Ces préparations étaient destinées à être consommées     de manière traditionnelle sur le marché intérieur. En 1926, les Français décidèrent     de permettre la culture du cannabis dans une zone au Nord de Fès. Cette expérience,     qui ne dura que trois ans, entrait dans le cadre de la politique du Général     Lyautey visant à isoler l’expérience révolutionnaire d’Abdelkrim. Elle cherchait     en effet à contenter les tribus qui, voisines des régions en rébellion, avaient     récemment accepté la soumission à l’administration française.

 

La Régie contrôlait les terres allouées à la culture du tabac et     du cannabis en signant des contrats avec les paysans. Ces contrats garantissaient     les prix, les qualités, les méthodes de transformation, les quantités, etc.     Mais le cannabis cultivé dans les régions montagneuses du Rif, se trouvant     en zone espagnole, échappait au contrôle de la Régie.

 

La prohibition de la production de cannabis au Maroc sous protectorat     français remonte au dahir du 22 décembre 1932. La France, qui avait interdit     la production et le trafic sur son territoire métropolitain en 1916, décida     de faire appliquer sa législation et ses engagements internationaux en la     matière à ses colonies. Le dahir de 1932 interdit donc la culture du cannabis,     à l’exception de celui cultivé, sous le contrôle de la Régie, dans le Haouz     (plaine de la région de Marrakech) et le Gharb (plaine de la région de Kenitra).     Finalement, le dahir du 24 avril 1954 étendit l’interdiction de la culture     et de la consommation du cannabis à tout le Maroc sous protectorat français.    

 

Après l’indépendance du Maroc, en 1956, cette prohibition fut étendue     à tout le territoire national, zone ex-espagnole comprise. Cette décision     fut très mal accueillie par les milliers de petits cultivateurs qui avaient     jusqu’alors bénéficié de la tolérance espagnole à l’égard de la culture du     cannabis. Le gouvernement marocain décida donc d’autoriser la culture dans     un périmètre restreint, situé exclusivement autour du village d’Azilal, au     pied du Mont Tiddighine (Province de Al Hoceima). En outre, il décida d’acheter     toute la récolte aux paysans pour procéder à son incinération. Cette mesure     dut cependant être abandonnée après trois ans, en raison des difficultés financières     de la jeune administration marocaine.

 

En 1958, un certain nombre de facteurs, tels que l’extension à la     zone nord du régime forestier du reste du pays, le fort taux de chômage de     la région, ou encore la hausse des prix consécutive à l’unification des monnaies,     provoquèrent ce que l’on appela la “révolte des montagnes”, matée par l’armée     au printemps 1959. Ces évènements amenèrent le gouvernement marocain à tolérer     la culture de cannabis comme faisant partie d’une économie informelle permettant     aux habitants du Rif de survivre. C’est ainsi que malgré l’extension du dahir     de 1954, la culture du cannabis fut tolérée chez certaines tribus du Rif.     Les limites des superficies existantes furent cependant maintenues et on essaya     d’éviter que le commerce de cannabis ne se fasse de façon trop voyante. Au     cours des dix années suivantes, la situation dans les régions productrices     ne changea pratiquement pas.

 

L’extension subséquente des superficies de culture, la transformation     du cannabis en produits dérivés (surtout haschisch et huile), l’accroissement     des quantités produites et la recherche de marchés extérieurs apparaissent     comme le résultat de la rencontre de deux facteurs principaux. Le premier     est le développement de la demande européenne de cannabis à partir des années     soixante-dix, et le second les difficultés socio-économiques rencontrées par     l’économie marocaine en général et la région Nord en particulier.

 

A la fin des années 70, la culture de cannabis occupait encore une     surface probablement inférieure à 10 000 hectares. Mais la demande du marché     européen commençait à faire sentir ses effets et les paysans se mirent à augmenter     progressivement les surfaces cultivées. La transformation en haschisch, produit     destiné au marché extérieur, commença à prendre une importance croissante,     le cannabis (herbe) restant destiné au marché local et à l’autoconsommation.    

 

Les années 60 furent caractérisées dans plusieurs régions du Maroc     par un exode rural massif, conséquence de la ruine de l’agriculture de subsistance     ou de la mécanisation dans certaines zones agricoles du pays. Ces années-là,     des milliers de Rifains abandonnèrent le Nord du Maroc à destination de l’Europe,     pour travailler dans les mines belges, le bâtiment aux Pays-Bas ou les usines     automobiles françaises. Mais, à l’époque de la crise économique de la fin     des années 70 et des programmes d’ajustement structurel du milieu des années     80, cet exutoire de l’émigration avait en grande partie disparu en raison     des politiques d’émigration restrictives mises en place en Europe. Pour les     paysans du Nord du Maroc, possédant peu de terres, ne recevant pas d’aides     de l’ État, n’ayant pas accès au crédit et utilisant des techniques agricoles     rudimentaires, la concurrence avec l’agriculture modernisée et les importations     de produits alimentaires externes était un combat inégal. La culture du cannabis     devint alors de plus en plus attrayante, d’autant plus que la demande de cannabis     des marchés européens ne cessait d’augmenter. Les réseaux de commercialisation     marocains se consolidèrent avec l’aide de trafiquants européens et prirent     la place des fournisseurs de haschisch d’autres régions du monde (Liban, Afghanistan,     qui étaient alors en guerre).

 

Cette époque fut marquée par une augmentation rapide des surfaces     cultivées en cannabis. Du noyau initial du pays Senhaja (Kétama et environs),     le cannabis s’étendit au pays Ghomara (Bni Smih, Bni R’zine, Bni Mansour,     etc.) aux Jebalas (Bni Ahmed) et vers Al Hoceima à l’Est (Bni Boufrah, Bni Mesdouj).

 

Le début des années 2000 semble     être marqué par une nouvelle expansion de la culture du cannabis qui gagne     maintenant les terres fertiles situées en dehors des zones de culture traditionnelles.     Cette extension du cannabis enferme peu à peu une région entière dans une     situation dangereuse de monoculture. La monoculture du cannabis a ainsi fait     perdre à la ville de Chefchaouen et ses environs leur autosuffisance agricole     et alimentaire. Les terres possédées par nombre de familles dans     les régions de Ghomaras et d’Akhmas, auparavant consacrées à de nombreuses     variétés de plantations et d’élevages, sont aujourd’hui essentiellement utilisées     pour la culture du cannabis.



   

[1] Ce texte est extrait en totalité de :       ONUDC/Royaume du Maroc, Maroc.       Enquête sur le cannabis 2003, Vienne/Rabat, décembre 2003, pp. 41-42.