C’est ce 20 janvier 2009 que le 44e Président des États-Unis, Barack
Hussein Obama, prête serment devant le Capitole, à Washington.
Le jour était attendu depuis plusieurs années. Les hôtels ont tous été réservés depuis très longtemps dans la capitale américaine. Pourtant, peu d’observateurs politiques pouvaient en toute bonne
foi imaginer que le nouveau Président des États-Unis allait s’appeler Barack Hussein Obama. Il y a quatorze mois, tout le monde tablait encore sur un duel entre Hillary Clinton et Rudolph
Giuliani.
Micro-trottoirs
Ce matin du 20 janvier 2009 sur France Inter, les micro-trottoirs étaient de rigueur (mais son principe, lui, est loin d’être rigoureux puisqu’il
s’agit de ne donner la parole qu’à quelques piétons qui ne représentent qu’eux-mêmes).
Aux États-Unis, l’obamania est encore très vivante :
certains parlent de Dieu. Qu’il y avait Jésus-Christ et maintenant Obama. Qu’il va résoudre tous leurs
problèmes, ceux des Américains, bien sûr.
En France, l’obamania semble s’être dégonflée et même, une
pointe d’obascepticisme commence à voir le jour : certains passants français sont en effet maintenant… déçus. Déçus de quoi ? alors qu’Obama n’a pas encore eu le pouvoir ? On ne le
saura pas.
Ségolène Royal, elle, assiste aux premières loges avec fierté à
l’investiture. Selon elle, Obama aurait copié sur sa campagne tous ses succès de communication. Il a dû faire
quand même mieux qu'elle, puisque elle, elle n'a pas été élue...
Bizarrement, ceux qui, en France, critiquaient le plus George W. Bush et étaient a priori contents de l’élection de Barack Obama se mettent à le critiquer avant même qu’il n’ait réellement commencé son boulot (genre : prisonnier des lobbies, etc.). Et les rares partisans des Républicains (en France)
commencent à l’apprécier parce qu’il sera sans doute un Président comme un autre.
Obafocalisation des esprits
Mais qui a donc dit qu’Obama était un magicien, un surhomme, un nouveau Messie ? Qu’il allait résoudre tous les problèmes, tous les
conflits ?
Obama semble surtout être un catalyseur d’opinions, une sorte de miroir où les projections de chacun sont possibles, quelles qu’elles
soient.
Sa campagne très messianique est assez étrange car il n’a pas non plus un discours très enthousiaste. Un ou deux bons slogans, certes, mais surtout
une analyse plutôt dépassionnée, rationnelle et finalement assez "centriste" dans le sens "mitigé" du terme. Il se situe volontiers dans le vortex des problèmes, quitte à sombrer ensuite dans
l’œil du cyclone à force de trop ménager la chèvre et le chou…
Dans la bataille des primaires, j’avais vu en lui le meilleur candidat, non pas pour battre le candidat républicain car j’imagine que n’importe quel
candidat démocrate aurait pu gagner (voire plus facilement qu’Obama) après le bilan désastreux des deux mandats de George W. Bush, mais selon mes repères intellectuels : candidat modéré,
intelligence vive, et puis, par une force de la nature qu’il a lui-même du mal à expliquer, capacité à mobiliser les foules par ses seuls discours (on appelle ça charisme).
Il suffit d’ailleurs de revoir l’excellent documentaire de Robert Drew "Primary" qui filmait en live la fin de la campagne des primaires démocrates
du 5 avril 1960 dans le Wisconsin, la différence frappante entre un sénateur bonhomme, artisan, mais d’un autre temps, Hubert Humphrey, et un jeune sénateur aguerri aux meilleures méthodes de la
communication moderne, John F. Kennedy. Le charisme distingue toujours.
Néanmoins, j’expliquais aussi que je ne serais jamais déçu par Obama parce que je n’avais aucune attente particulière en tant que citoyen français.
Noir ? vous avez dit noir ?
Le point le plus intéressant de sa personnalité, c’est justement qu’il n’est pas noir. Quand je dis ça, ce n’est pas pour dire qu’il est métis (ce
qu’il est effectivement), mais pour dire surtout qu’il n’a pas été élu parce qu’il a été noir : celui qui voulait l’être, c’était le pasteur Jesse Jackson en 1984. Obama l’a évoqué le 18 mars 2008 dans son discours de Philadelphie qui fera date.
Un article intéressant d’un journal américain explique
justement que Barack Obama n’est pas le premier Président noir. Car il ne se considère pas comme tel.
Pour bien comprendre son itinéraire, il faut lire son autobiographie sans complaisance ("Les rêves de mon père" de Barack Obama) écrite avant même
d’avoir commencé sa vie politique locale et à une période où il pensait se consacrer à l’écrire (son style est assez complexe avec des phrases longues et tortueuses).
On y apprend notamment qu’il s’est aperçu qu’il n’était pas blanc vers l’âge de dix ans et que pendant son adolescence un peu tumultueuse, il s’est
trouvé confronté à devoir choisir son identité, Blanc ou Noir, alors qu’il était les deux. Il a préféré se sentir noir et pour mieux s’insérer dans la "communauté noire", il en a même fait un peu
trop.
Quand il écrit ce livre, il en est revenu et trouve même absurde cette volonté de communautariser, d’étiqueter et de différencier.
Car Barack Obama est justement le mélange de plusieurs origines, génétiques ou même culturelles : une mère baroudeuse américaine avec des
parents plutôt "racistes", un père kenyan quasi-inconnu, lui aussi baroudeur mais d’une très grande faculté intellectuelle, plusieurs années vécues en Indonésie auprès de sa mère et de son
beau-père indonésien… puis des années à Hawaï chez ses grands-parents pour faire les meilleures études possibles.
Comme vient de le dire sur BFM-TV Fadela Amara, Barack Obama n'a pas vraiment innové : en disant et en montrant qu'il est d'abord un Américain avant d'être un Noir ou un métis, il reprend à son
compte le modèle républicain français.
Même sur le plan des ressemblances physiques, il est frappant de voir à quel point Obama ressemble avant tout à son grand-père maternel (donc
blanc). Et un sosie, dont la ressemblance est frappante, s’est même fait connaître récemment, et il n’est pas
kenyan mais indonésien étrangement ! (Un autre sosie déclaré est cubain, mais moins
ressemblant).
La force de la parole
Dans son autobiographie, Barack Obama racontait également qu’il avait été impressionné par la force d’adhésion de ses propres discours. Le livre date
de 1996, donc, bien avant 2004, or, c’est en prononçant le discours de présentation de John Kerry à l’investiture de ce dernier pour la candidature démocrate en août 2004 que Barack Obama a
véritablement commencé sa carrière nationale : en conquérant un siège de sénateur dès novembre 2004, puis en s’attaquant au leadership naturel de Hillary Clinton dès le début de l’année
2007.
Cela dit, ses discours sont assez robotisés, et son principal défaut psychologique risque d’être sa qualité de recul et de distanciation qui pourrait
le faire passer pour quelqu’un de froid, désincarné, sans émotion. Pourtant, son choix de la Bible de Lincoln
sur laquelle prêter serment n’est pas anodin et montre une véritable sensibilité.
Vite prendre des décisions
On critique souvent Obama sur sa capacité à décider lentement, prenant le temps de s’éclairer le mieux possible avant de trancher.
Contrairement à ses prédécesseurs, Barack Obama a été toutefois rapide dans ses premières nominations puisque quasiment tous ses futurs
collaborateurs sont connus au moment de son investiture officielle. En tranchant ainsi dans les nominations, il a d’ailleurs pris le risque, avant d’avoir le pouvoir, d’entamer son état de grâce.
Monsieur Obama,
Bienvenu dans le monde réel, et bon courage !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (20 janvier 2009)
Pour aller plus loin :
Quelques liens sur Obama, sa campagne, son élection et son
investiture.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=50343
http://www.lepost.fr/article/2009/01/20/1393505_l-obama-day.html
http://www.kydiz.com/article/2107-L-Obama-Day.htm