Nous entendons aujourd'hui beaucoup de discours sur la forte hausse de l'agrégat M1 aux USA (qui dépasse 14% / an sur les 6 derniers mois) et frôle les 20% sur les 3 derniers mois. Je ne la nie évidemment pas, et elle est bien visible sur ce graphe.
Selon certains commentateurs, cette évolution serait censée annoncer une forte dévaluation du $, donc une reprise de l'inflation (voire même une "hyperinflation").
Il est donc utile de se reporter à l'expérience japonaise, qui reste un modèle "réduit" de crédit crunch bien utile à étudier par rapport à ce qui se produit actuellement aux USA et en Europe.
Voici donc les faits :
source : econstats
L'agrégat M1 a augmenté à un rythme élevé, de l'ordre de 10%/an à partir du milieu des années 90. Le "quantitative easing" a conduit à une flambée de la croissance de l'agrégat M1 à plus de 30% par an à partir de 2002.
L'agrégat M1 a triplé entre 1991 et 2003 sous l'effet des politiques monétaires de lutte contre la déflation.
Résultat :
- Aucune inflation constatée au Japon, au contraire !
- Aucune dévaluation du yen, au contraire, de 2002 à 2004, le yen a gagné plus de 25% face au $, alors que l'expansion de M1 était à son maximum.
- Des taux sur les bons du trésor qui sont restés les plus bas au monde, malgré l'"explosion" de M1, le triplement de taille du bilan de la banque centrale japonaise, et une explosion du niveau d'endettement public japonais (voir cet article du blog "immobilier japon")
Conclusion : il faut se méfier des raisonnements en apparence logique, mais trop simplistes, et ne pas chercher à avoir raison trop tôt. L'expérience japonaise nous montre qu'une hausse de l'agrégat M1, lorsqu'elle est provoquée artificiellement par une politique gouvernementale de "quantitative easing" n'a aucune valeur prédictive sur le niveau d'inflation, en tout cas à court et moyen terme.
Le vrai indicateur à surveiller est les taux sur les emprunts d'état (à la fois sur les échéances courtes et longues). Ces taux, actuellement à des niveaux historiquement bas pointent aujourd'hui plus que jamais vers la déflation. Ils se sont même effondrés de plus de 1% en quelques semaines, et le signal est confirmé par d'autres indicateurs (le Baltic dry index enchaîne record sur record à la baisse, le pétrole approche la barre des 40$/baril).
Le cash reste plus que jamais aujourd'hui le choix à privilégier (que ce soit en yens, en $ ou en euros)...et les taux nous signaleront largement à temps lorsque le moment sera venu de changer éventuellement de stratégie.