MARIE CLAIRE
Noël : J'adore / Je déteste
Décembre 2008
Noël, tout comme le Nouvel An ou les vacances en août, a ses ultra-fans et ses pires détracteurs. Cadeaux, réveillon, famille : choisissez votre camp.
LES PREPARATIFS
POUR
Ah, l’ambiance du mois de décembre… Toutes
ces boutiques dont les illuminations me rendent mes
8 ans (alors que, je l’avoue, j’en ai presque 10 de plus),
tous ces quidams qui gambadent dans les boutiques telles
des rois mages cherchant des présents pour le divin
enfant de Rachida Dati… Noël, c’est tout de même l’unique
événement de l’année qui brasse plus de magie que
les sept tomes de Harry Potter réunis. Quel que soit notre
âge, la moindre loupiote de guirlande électrique nous
catapulte direct en enfance. J’entends des blasés ricaner ?
Qu’on me les amène. Je vous parie qu’avec deux bouts de
bolduc doré, trois pauvres santons et un CD de Tino Rossi,
je transforme illico leurs tripes d’acier en barbe à papa
fondante.
CONTRE
C’est vrai, c’est merveilleux, l’ambiance du
mois de décembre. Je ne sais pas ce que je préfère : les boutiques
décorées par Paris Hilton, les dangereuses expéditions
en magasin où une armée de consommateurs pathologiques
est prête à vous plaquer au sol pour s’emparer
sans pitié de la dernière Wii, ou encore cette charmante
coutume occidentale qui consiste à claquer trois fois le
produit intérieur brut (PIB) d’un pays africain pour les
fastes d’une seule et unique soirée. En cette époque où
il est de bon ton de se proclamer écolo-no-logo-anti-conso,
quel régal de voir nos cartes bleues flamber comme le prix
du pétrole face à la surenchère des sacro-saints paquets !
Foule sentimentale. Je visualise déjà la montagne d’emballages,
un chouïa moins haute qu’une tour Total en Birmanie,
qui ruinera en une heure tous nos efforts verts de l’année.
Mais la Palme d’or des périodes de fêtes, c’est sans
doute cette curieuse maladie poussant n’importe qui à utiliser
Noël comme une raison d’être immensément ravi
quoi qu’il arrive : «Tu n’as pas été augmentée/Ton mec se
barre/Ton appart a entièrement brûlé dans un incendie ?
Oh allez, fais pas la tête, c’est Noël ! » En décembre, je suis
Jean-Pierre Bacri chez les Teletubbies.
LES CADEAUX
POUR
On ne va pas se mentir, le véritable et principal intérêt
de Noël, ce sont les cadeaux. En premier lieu, ceux que je
reçois, toujours parfaits, vu que je maile dès octobre une liste
détaillée de mes envies à tout mon staff affectif. En deuxième
lieu, les cadeaux que j’offre, toujours utiles, surtout à moimême:
jeux vidéo hypnotisants avec casques isolants pour mes
neveux (que j’adore, particulièrement quand ils dorment), macarons
Ladurée pour mon mec (qui frôlera le bonheur suprême
rien qu’en me regardant les enfiler cul sec), livre psy à ma mère
(«Mieux s’entendre avec ses enfants en les appelant moins souvent
»), autre livre psy à ma belle-mère («Mieux s’entendre
avec ses enfants en ne les voyant plus du tout»). Magie de Noël.
CONTRE
On me demande souvent comment je peux ne
pas aimer Noël, «au moins pour les cadeaux». Comment dire…
Il faudrait déjà, pour ça, que j’en reçoive des biens. J’ai beau multiplier
les allusions («Oh, comme cette paire de bottes Ash est
belle!»), mon homme adore suivre ses «coups de coeur». Entendez
par là le dernier accessoire ultra-fashion porté par Christine
Lagarde dans «Paris Match» (une étole damassée lavande, du
pur vintage puisque déjà repérée sur Claude Pompidou aux
obsèques de Couve de Murville en 99). Quant aux cadeaux que
j’offre, ils sont superbes (j’ai un goût exquis), mais me coûtent
à peu près un oeil et trois salaires. Seule nullipare d’une famille
nombreuse et recomposée, je dois assurer les cadeaux de quatre
parents et beaux-parents, huit frères et belles-soeurs, plus
une tripotée de bambins qui font exprès d’être adorables toute
l’année pour qu’à l’heure de la grande défonce
consumériste, je rentre en transe chez
Toys’R’Us. Si petits et déjà calculateurs – oui,
même la dernière, là, qui fête ses 3 semaines
et s’agrippe hypocritement à mon doigt.
LE REVEILLON
POUR
Existe-t-il une nuit plus magique que celle du
24 décembre? Déjà, c’est la seule de l’année où l’on a non
seulement le droit, mais le devoir de s’empiffrer comme des
gorets, sous peine de faire de la peine à maman (qui se jette au
fond d’un puits si l’on ne reprend pas trois fois de sa bûche
pâtissière). Et comme Jésus n’est pas le dernier des misogynes,
il a fait exprès de naître en plein hiver pour permettre aux femmes
de cacher les trois kilos pris ce soir-là sous de gigantesques
pulls sans les contraindre à la burka. Autre merveille du réveillon,
les passionnantes et traditionnelles engueulades familiales.
Dialogues incisifs, montées de nerfs, suspense, révélations
inattendues, crises d’hystérie, embrassades finales et séquences
émotion (on boit beaucoup dans ma famille). Bref, tous
les ingrédients d’un excellent blockbuster hollywoodien. Sauf
qu’à la place d’un vague pop-corn, face au spectacle, on picore
d’excellents marrons glacés. Bref, la version Gold Premium
d’une soirée «bonne bouffe + bon film».
CONTRE
Quand je dis que je déteste le réveillon de Noël,
on me taxe de créature inhumaine, asociale et dénuée de tout
sentiment familial. Or, j’aime ma famille, mais plutôt le reste
de l’année. Le 24 décembre, elle fait une très bonne imitation
du PS: pleine de bonne volonté, débordante d’idées, mais comment
dire, un peu trop divisée pour être productive. Le tout dans
une ambiance aussi légère et dénuée de pression qu’un bon
sommet du G8. Ma mère râle (parce que la dinde est trop cuite,
parce qu’on n’a repris que deux fois de ladite bûche citée plus
haut), les ados sont au bord du suicide (parce qu’on est nuls, parce
qu’ils ne voulaient pas des cadeaux mais de l’argent), les enfants
hurlent (parce qu’ils ont peur du père Noël qui s’agite sur
la terrasse, parce qu’ils ont reconnu tonton René déguisé en
père Noël qui s’agite sur la terrasse). Pour que tout s’arrange,
je dis à ma mère que dinde trop cuite ou pas, je m’en tape, je
suis végétarienne, je donne un billet aux ados en confirmant que
leurs parents sont nuls, et j’explique aux petits que le père Noël
– qui, au passage, n’a JAMAIS existé – importe ses jouets d’usines
où turbinent à la chaîne des petits enfants comme eux, sauf
qu’ils ont les yeux bridés. Et vous n’allez pas me croire: malgré
tous ces louables efforts, je me fais engueuler par tout le
monde. Je ne suis plus Jean-Pierre Bacri chez les Teletubbies,
mais François Fillon dans le monde réel. Vivement demain.