Dans ce
tome plus que dans tout autre, la vie humaine s'incruste dans les pierres, tout comme un immeuble peut profondément marquer la vie des gens. Tiens, prenons celui-là : oui, bien sûr, il n'est pas
imaginaire comme il n'a pas non plus été choisi par hasard, vous le reconnaissez, il s'agit du Flatiron Building (Daniel
Burnham, 1902), dont Will Eisner ne mentionne pas le nom, mais qu'il utilise comme symbole, à la fois de la Grosse Pomme et de tous les beaux immeubles riches d'un passé et de souvenirs
que menacent les exigences de conformité et les promoteurs.
"Ce qui me perturbait le plus, c'était la destruction impitoyable des immeubles. J'avais le sentiment que, quelque
part, ils avaient une âme.
Je sais maintenant que ces structures, incrustées de rires et tachées de larmes, sont plus que des édifices sans vie. (...)" (p. 6)
Un
jour, ce bel immeuble est démoli pour faire place à un nouvel immeuble, "The Hammond Builing", à l'entrée duquel apparaissent quatre fantômes, dont Will Eisner va nous raconter tour à tour
l'histoire, avant d'aborder celle de P.J. Hammond...
Dans la seconde partie du tome, Eisner renoue, comme pour le premier tome, avec son principe des saynètes douces-amères en les déclinant cette fois autour du temps, de l'odeur, du rythme et de
l'espace, les quatre principaux facteurs qui caractérisent la ville selon lui.
Aucune sensiblerie ni complaisance dans ces différentes histoires, mais bien au contraire une lucidité cinglante issue d'un sens de l'observation étonnant, que viennent toujours adoucir la
rondeur de son trait, son humour et sa tendresse pour ses personnages, souvent de petites gens. Un vrai plaisir à lire.
EISNER, Will. - New York trilogie : 2. L'Immeuble. - Delcourt, 2008. - 164 planches.
- (Contrebande). - ISBN 978-2-7560-0953-7 : 14,95 €.