Hier soir au Théatre de la Madeleine, Jacques Vergés jouait, seul, une pièce écrite par lui. Au départ, ce devait être le procès de Georges Bush, mais faute de
volontaires, Vergès s'est rabattu sur une sorte de testament moral, un résumé de sa carrière et de sa conception du métier d'avocat.
C'est passionnant du début à la fin. Il alterne souvenirs personnels et références littéraires avec brio et un à-propos remarquable. Son parallèle entre le théatre, la tragédie, le roman, et le
procès est peut-être banal pour un littéraire mais raconté par un robin c'est beaucoup plus vivant. Et le lien qu'il établit entre sa stratégie de rupture et certaines oeuvres classiques est
frappant (à mon avis sa défense de Barbie ne rentre pas cependant dans sa démonstration d'hier soir, il ne l'évoque d'ailleurs pas).
Sa thèse, fort juste, vise à montrer que la stratégie de rupture vient invoquer des valeurs contraires, voire supérieures, à celles du juge. Et que bien souvent, la vérité juridique qu'il combat se
trouve invalidée peu après. Dans sa défense d'indépendantistes algériens, on voit parfaitement la logique. Dans celle de Barbie, je ne me souviens pas de Vergès ayant tenté autre chose que
d'introduire la confusion sur le rôle de la Résistance. Cela devrait m'inciter à revenir sur ce procès.
Ce qui frappe donc finalement c'est le parti-pris humaniste de Vergès. Il ne nie pas la nécessité pour la société de se défendre, d'une certaine manière, mais appelle avant tout à se méfier des
jugements hâtifs et des faciles condamnations. Au nom de valeurs que l'on ne peut appeler d'un autre nom que celles de l'humanisme.
Il évoque avec un peu de nostalgie le temps où la courtoisie prévalait entre confrères avocats de bords opposés, parsème son discours d'histoires vécues, tragiques ou drôles, et offre un plaidoyer
convaincant sur la richesse du métier d'avocat. La présence de Roland Dumas parmi les spectateurs donnait par moments l'impression de vivre un petit morceau d'histoire de France.
La salle n'était pas pleine et c'est fort dommage car on passe un moment remarquable. Bref, allez-y.