De quelle patience se nourrit mon infatigable innocuité ? Par quelles énergies sourdes mon mouvement lent et mou se soutient-il ? D’où puis-je contempler sans vaciller mon propre corps s’enfermer dans l’étroite cellule de l’inaction socialement systématisé ? Que fais-je qui me maintient encore en estime suffisamment pour perdurer, parmi vous, au sein de ce quotidien qui m’enfonce dans la médiocrité ? Est-ce que je prépare, est-ce que je m’ouvre à quelque chose, aux choses, avant de m’y confronter ? Tout ceci n’est-il qu’une étape, un marche pied qu’il s’agit de franchir, le prémisse chancelant de mon expansion dans la joie, l’amorce timide d’une existence qui enfin s’assumerait, qui par la suite rendrait compte de toute mes gesticulation flémarde et apparemment futile ? Depuis combien de temps j’espère devenir, depuis combien de temps j’entretiens la fine pellicule de mes efforts dans l’espoir de devenir quelque chose de suffisant : quelles sont ces années passées, celles-ci qui s’écoulent tranquillement face à ma torpeur se rêvant révolte ?
C’est un chiffre impaire qui sanctionnera la prochaine commémoration de ma naissance. Un nombre qui semble scander la progression. Et pourtant… Je ne m’observe point dans un élan, et mon temps qui passe semble pouvoir, en fin de compte, se passer de moi – est-ce possible que je n’apprenne rien, rien qui ne me permette de vivre un plus réellement, de manière un tant soit peu pertinente, percutante ?
Est-ce parce que je refuserais de me poser la question de ce que je veux faire, de ce que je veux vivre ? La voilà posée, la fameuse, l’existentielle, la traditionnelle et obscure question. Me hante-elle ? Au point que je m’ingénue à sa mise en scène dramatique ? Il faut bien le croire, car ma vie ne me semble désagréable uniquement dans la l’horizon de cette perspective. Faut-il croire alors que ma résignation me crispe… je ne suis pas résigner. Serait-ce mon inconséquence, serait-ce le sentiment d’une indépassable débilité, ce déséquilibre perpétuel, qui fait fléchir en moi toute ambition ?
En face à face, dans le clair obscure d’une confession qui s’écrit pour parvenir à prendre mots, que puis-je encore dire de plus ? M’entretenir me fera t il tenir encore longtemps ? Qu’attend-je donc pour élaborer mes réponses ? Ne me lasserais-je jamais des questions en suspens ?
Ce que je veux, maintenant que je crois en la mort, à perdu son socle, sa Vérité… Je ne me sens plus à même de soulever des montagnes, et pourtant je m’y cogne le front, je les vois dressés, impétueuses. Comment se savoir mortel et poursuivre son désirs insatiable d’existence ? Mais la question n’est pas plus simple lorsque l’on nie le fait que l’on puisse finir, car alors notre désir insatiable ne porte plus sur notre vie, mais bien sur notre mort. Cette mort tant désirée, celle de ceux qui se veulent justes au nom d’un au delà, et qui sont justes afin que justice soit faite, dans l’espoir tyrannique qu’après avoir servi l’univers, celui-ci le leurs rende, cette mort représenté comme l’espoir d’une vie véritable, ne nous rend pas moins futile : les montagnes qu’elles déplacent sont toute subjective.
Ce que je voulais, alors que je croyais pas en la mort, je le veux aujourd’hui encore.
C’est de peu de choses que je m’en irais
Il ne faudrait donc pas qu’elles s’accumulent en vrac, ces choses qui me détachent même de mon désarroi. Il ne faudrait pas que je m’y perde, comme par accoutumance. Lorsque l’expérience d’un monde, duquel bien sur nous ne pouvons nous extraire que par les fallaces et illusoires concaténations d’une subjectivité qui s’enclot pour mieux se soutenir, prend dans son ampleur la plus générale le mode d’une intoxication, comment, et de quoi faut-il se préserver, et que faut-il se préserver ?
Peu de choses sont à même de nous soutenir, lorsque nous sommes devenus incapable de subir les caprices de notre folie collective. Le mode de notre conscience à quelque chose de déficient en cela même qu’il puisse s’ouvrir des perspectives sur lesquelles il n’a aucune efficience.
C’est de peu de chose que surgira le grand vacarme de notre patient fracas.
Quelle sera le bruit de l’effondrement de notre fatras ? Qui pourrait le savoir ? Il faudrait d’abord qu’il le fasse – or ce genre de faire ne se fait qu’a plusieurs, c’est peu dire, et nul n peut savoir ce qu’il fait lorsqu’il le fait en foules.
Sont-ce les trompettes de l’apocalypse que nous alimentons de nos soupirs détachés ?..
Et quelle sera notre misérable révélation lorsque la verdure de notre monde s’époumonera dans son dernier souffle, lorsque l’immense variété de vie qui s’est déployée ici haut conclura sa déchéance au sein de notre rationalité mortifère, lorsqu’enfin la moindre parcelle de ce monde n’aura de valeur qu’en fonction des délires spéculateurs ?
J’en vois, de cette têtes blondes qui se redressent tardivement de leurs méprises innocentes – qu’elles sont loin d’avoir été fauves, ces têtes blondes bons élèves de notre médiocrité ambuante ! Ces coureurs de vérités faciles ! Que de belles valeurs avons-nous su créer de notre Déicide ! Voyez ces artistes qui se pavanent parmi ces hommes aux écus ! Voyez ces philosophes aux gestes fiers agités les mornes plateaux sur lesquels ils étalent les platitudes qui ne sont corrosive qu’a l’audimat de leurs faire valoir ! Voyez, sentez ces discours moisies que recrachent les bouches tordues de ces vociférateurs de croissance ! Respirez les humeurs de nos logiques contingentes, celles-ci qui se bornes aux calculs étroits de nos modernisateurs de monde… et sentez la pestilences de ces discours bancales aux fragrances macabres d’un sacrifice générale au nom d’un rien tout puissant…
Comment pouvions nous prévoir que la perte de Dieu et des espérance lointaine qu’il nous infligeait nous conduirait non pas à la découverte de l’homme, mais à la perte de toute perspective éthique. C’est que la morale s’est résorbée de s’être enflée, et c’est sûrement un gain, dans la mesure ou s’ouvrait la porte non pas d’une grande politique, mais de la politique en son véritable sens : élaboration collective du collectif.
Et c’est sans dieux que nous perpétuons nos massacres, mais ce n’est pas sans l’idée d’une transcendance : qui ignore que notre fétiche idole gouverne les moindres gestes de notre cocasse Léviathan ? Et la carcasse de notre monde sans figure s’agite tel un poulet auquel l’on aurait tranché le cou : il titube, aveugle, chiant et saignant les dernières réserves de son corps mutilé.
Bien entendu, n’importe quelle époque, a ce compte, m’aurait désespéré. Semble-t-il ? C’est bien d’aujourd’hui que je parle, de ce jour ou l’humanité semble remplir le monde de sa volonté borgne. Ce n’est qu’aujourd’hui que les conditions propices à l’extinction de la vie au sein de notre galaxie sont là, à porté de mains de quelques-uns, et portées par l’inconsistance générale de notre avilissement affairé a s’engourdir.
Et alors ! A force de m’exténuer à vomir ce monde j’en oublierais la question : qu’est ce qui me donne encore la force de le vomir ?! Epargnez moi l’idée que je ne suis que le singe de moi-même, certes, je ne souhaite pas vraiment m’isolé sur quelques cimes inhabités, sur lesquels viendrait me visiter les repentis et le déshérités… Quoique… Ne me contente-je que de me singer ?! Est-ce là mon malheur, mon auto-critique, ma question ?
Et si, bordel, il n’y avait pas lieu que je ne m’agite mollement sur ce clavier passif, et s’il suffisait de se rendre, et de se rendre compte que quoique l’on fasse, tout n’est pas perdu, et rien à gagner ? Et si j’ote ce « on » maladroit, subtile déconstitution du sujet que j’avance, lorsqu’enfin je dis « je », alors : Quoique je fasse, rien n’est à espérer, sinon que je fasse, et ainsi devienne, pour enfin pouvoir dire que je fusse !? Le fatras malhabile de mes circonvolutions abstraites me plonge dans une des plus subtiles méconvenues : je jouie de me plaindre lorsque je me désordonne à l’écrire : pathétique, dramatique, tragique, je n’ai jamais su nuancé mes états d’âmes, ni même les définir, encore moins les circonscrire.
« When i hear my name, i want to disappears… when i sea ma face… »
La parole close, les gestes lents, l’esprit agité, les mots durs, les articulations approximatives mais souples, l’orientation vacillante… Les paroles closes des mes propos percutent à fin de réflexion : me reflechis-je ?
C’est de vin que je devrais me saouler… Et je dis ça parce que je le fait. Et parce qu’ainsi je m’endure autrement que par quelconque breuvage surpuissant. La rage n’enivre que ponctuellement, et l’épuisement qui s’en suit et bien plus terrible encore que ce qui la fait naître. Et ma rage ne s’apaise pas, pourtant, de mon ivresse vinicole. Et notre rage, dont la jouissance fugitive nous fait rejoindre les résignés sitôt que ses chaleurs s’estompes, se noieras t elle d’alcool ou de bricoles, s’éteindra t elle dans le flux incessant de nos misérables broutilles quotidiennes ?
Tout ça pour dire que je ne sais pas ou je vais.
Et que pourtant, je vais.