Il faut, pour trouver le chantier de Guédelon se perdre dans la forêt bourguignonne, entre Saint-Fargeau et Auxerre. Passés le parking et l'entrée, dans une magnifique grange, vous voilà plongés dans un univers déroutant, le Moyen Âge, plus vrai que nature.
Les responsables ont inventé un scénario, histoire d'ancrer un peu plus ce château dans une réalité : un petit seigneur bourguignon se lance dans la construction d'un château philippien, typiquement XIIIe. Le chantier démarre en 1229, pour l'année d'ouverture du chantier au public, soit 1998. En cette année 2008, le chantier vit donc en 1239. Cette précision doit permettre des évolutions et des innovations techniques, dont certaines n'existent pas encore dans l'année ou nous nous situons.
Respecter les techniques de constructions entraine des complications et des règles strictes. Chaque pierre est taillée bien sûr à la main - le chantier se trouve sur une ancienne carrière - les outils, échafaudages, éléments de charpentes sont aussi fait sur place - le site dispose de 80 hectares de forêt, qu'il exploite au besoin. Cela nécessite des corps de métiers très variés et très nombreux : maçons et charpentiers, évidemment, mais aussi bûcherons, forgeron, cordier, potiers, charretiers, vannier... Charretiers, car tous les transports de chantier sont réalisés à cheval... l'un des nombreux exemples qui permet comprendre l'ampleur du projet.
Le côté passionnant de cette affaire est que les oeuvriers sont confrontés à des problèmes dont les réponses ne sont dans aucun manuel. Ils doivent cogiter pour trouver des astuces et des solutions que nos ancêtres, 800 ans avant eux, avaient eux aussi trouvés, l'expérience aidant. Il s'agit donc ici d'expérimentation, d'archéologie expérimentale, disent certains.
Le château se composera d'une enceinte, quasi rectangulaire, avec une tour à chaque angle, dont l'une sera le donjon, une autre la chapelle, de deux tours circulaires encadrant la porte, composant le châtelet, et d'un logis seigneurial en fond de cour, dans laquelle se trouvera la grande salle. Ceci est le plan de base du château parfait de Philippe Auguste, dont le meilleur exemple visible aujourd'hui se trouve à Dourdan (Essonne).
Aujourd'hui, les soubassements de l'enceinte sont faits, les rez-de-chaussée du donjon et de la tour de la chapelle également. Nous voyons d'ailleurs deux croisées d'ogive dans les salles de ces tours, elles sont fabuleuses. Le logis seigneurial est bien monté puisque nous avons assisté à la pose de l'une des premières fermes de la future charpente, ce fut d'ailleurs un grand moment.
Permettre aux visiteurs de monter sur ce chantier est vraiment extraordinaire. Chacun se trouve au cœur du site, voit en détail le travail de chaque corps de métier et peut discuter avec chaque artisan et comprendre un peu mieux l'art de bâtir au Moyen Âge. Ce genre d'aventure bat en brèche l'idée reçue, conte laquelle nous nous battons nous aussi depuis longtemps, qui considère la construction médiévale comme amateur ou improvisée. Il s'agit en fait d'œuvres de spécialistes très compétents, fins connaisseurs de la géométrie, qu'ils utilisent pour chaque opération, à l'aide de leurs cordes à 13 nœuds, de leurs compas, de leurs équerres...
Beaucoup de spécialistes justement, chercheurs, universitaires, archéologues, critiquent ouvertement ce projet, en affirmant que ce n'est pas un vrai chantier médiéval, pour des tas de raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici, que toutes les techniques ne sont pas respectées au cordeau...
Il semble de toute façon impossible d'avoir un chantier exact en 2008 qui soit ouvert au public. Et même en étant fermé, certaines choses ont évolué, et on ne doit pas s'en plaindre. Les conditions de travail ont changé depuis le XIIIe siècle, et nous ne nous en offusquons pas au quotidien ; personne ne voudrait d'un emploi dans les conditions de l'époque !
Certains compromis ont été fait depuis plusieurs années depuis que le chantier est devenu une entreprise. Allez expliquer à l'inspection du travail qu'une cage à écureuil (engin de levage, appelé aussi treuil à tambour, dans laquelle un ouvrier marche dans une sorte de « cage » pour soulever des poids importants) est un outil de travail ! Les oeuvriers ont dû accepter les chaussures de sécurité, les lunettes et les masques pour les tailleurs de pierre, les filets sur les échafaudages...
Nous ne trouvons que ces exemples de compromis soient scandaleux, au contraire, nous comprenons parfaitement ces évolutions. Quant aux critiques scientifiques, elles sont probablement inévitables, certaines sont surement fondées. Mais ça n'enlève rien au mérite de ce chantier. C'est une aventure qui nous a fasciné. La visite fut passionnante. Privilégiez la visite commentée, elle sera pour vous l'occasion de comprendre vraiment en détail la vie de chantier et les techniques utilisées. Nous avons eu droit à des explications passionnantes sur les tracés, au sol, des formes géométriques utilisées dans cette construction. Le commentaire a duré plus de 2 heures, et elle fut un vrai bonheur pour nous. Le XIIIe siècle est rès connu pour les grands chantiers de cathédrale. nous espérons que vous comprendrez que les contructions militaires sont aussi intéressantes, bien que différentes dans leur conception.
Nous avons adoré la visite de Guédelon, nous la recommandons chaudement, et nous savons déjà que nous y retournerons, histoire de voir les avancées de chantier dans les années à venir. Ces visites futures seront sans doute l'occasion de vous reparler de ce fantastique chantier. Il doit durer encore 15 ans, le temps d'y voir des choses fabuleuses encore !
Chantier médiéval de Guédelon, D 955, 89520 Treigny
Plus d'infos : www.guedelon.fr