"L'autre moitié du soleil" de Chimamanda Ngozi Adichie

Publié le 06 janvier 2009 par Babs



 Je voulais vous faire partager un de mes derniers "coups de coeur" que j'ai lu pendant les vacances...Certes, le sujet n'est pas très gai à première vue, mais de beaux romans intenses dans ce genre, il n'y en a pas tous les jours...Alors voici un petit résumé qui je l'espère vous séduira à votre tour...
Années 60 au Nigeria. Deux soeurs jumelles vivent des jours insouciants au sein de l'élite intellectuelle et économique Ibos* en pleine ébullition.Un avenir qui semble prospère aussi bien pour Olanna, enseignante et chercheuse idéaliste que pour Kainene plus réservée, qui reprend l'entreprise de leur père et la gère de mains de fer. L'auteur dessine des personnages profondément attachants: Olanna, Kainene, mais aussi Odenigbo, le compagnon d'Olanna, universitaire utopiste, rebelle, passionné de politique et aspirant à un Biafra Libre; tout comme Richard, journaliste anglais, fasciné par la culture ibos et amoureux de la mystérieuse Kainene. Et puis il y a Ugwu, le boy d'Odenigbo, avec son regard d'enfant et d'adolescent si dévoué à ses maîtres...
Tous se prennent à rêver d'un Biafra libre, affranchi de la lourdeur d'un Nigeria multiethnique télécommandé depuis Londres. Dès les premières pages, la fièvre d'indépendance est portée par les paroles d'Odenigbo et préfigure la naissance du Biafra:
"...la seule véritable identité authentique pour l'Africain, c'est la tribu. Je suis nigerian parce que l'homme blanc a crée le Nigeria et m'a donné cette identité. Je suis noir parce que l'homme blanc a construit la notion de noir pour la rendre la plus différente possible de son blanc à lui. Mais j'étais ibo avant l'arrivée de l'homme blanc."
Quelques années plus tard, la guerre civile éclate avec la sécession et la proclamation de la République du Biafra par l'ethnie Ibos. L'espoir de cette indépendance proclamée, s'obscurcit vite lorsque la république fédérale proclame l'Etat d'urgence. Tout bascule. La guerre sera intense, violente, sauvage laissant des millions de personnes dans la faim, et associant le nom de Biafra au "plus grand programme d'urgence depuis la seconde guerre mondiale".

L'auteur, jeune nigerienne naît en 1977, raconte cette réalité dramatique à partir de la vie quotidienne et les destins dévastés de ces personnages. Elle jongle habilement sur cette épisode tragique de l'Histoire grâce à une structure narrative maîtrisée, alternant entre les périodes heureuses d'avant la guerre et les périodes plus noires ainsi qu'une documentation approfondie. Pas de fausse note pour ce deuxième roman, cri d'amour poignant et magnifique hommage pour un peuple qui a vécu l'horreur en se battant jusqu'à son dernier souffle. Elle a reçu le prestigieux prix Orange Prize pour ce livre. 

Pour ne pas oublier et comprendre encore mieux, j'ai lu l'article disponible sur le site de L'Express qui ré-explicite toutes les causes, enjeux de la guerre civile qui a embrasé le Nigeria et plus précisément le Biafra, devenu tristement et mondialement célèbre. L'épisode du Biafra sera d'ailleurs perçu quelques années plus tard comme le moment fondateur du mouvement humanitaire moderne. Vous pouvez lire à ce sujet l'article du Monde diplomatique.


* Ethnie majoritaire dans la région sud-est, région la plus prospère du Nigéria.Ils étaient 8 millions d'ibos sur un pays comptant 55 millions de personnes. 
La guerre du Biafra aura fait entre un million et deux millions de morts entre 1967 et 1970.