La route des ossements d'Anne Fine

Par Reno

Youri vit, avec son père, sa mère et sa grand-mère, dans un pays qui a fait "la Glorieuse Révolution". Mais on sent qu'aujourd'hui, les idéaux d'hier sont loin. Même sa mère, qui y a participé, semble plus prudente.
Il faut dire que des cinq Chefs qui ont renversé le Tsar, il n'en reste qu'un : le Père Trofim. Et que maintenant, le moindre mot, le moindre acte qui semble aller contre le régime peut faire disparaître la personne qui en est à l'origine.
Youri vit avec cette peur, tout en sachant au fond de lui que le Père Trofim fait la guerre contre son propre peuple. Il contient pourtant ses idées, malgré la pauvreté et le fait qu'on l'a enlevé de l'école, lui et ses camarades, pour travailler dur sur les chantiers.
Il résiste jusqu'au jour où un accident coûte la vie à son meilleur ami. Youri, très touché, laisse échapper des mots sur les conditions de travail et le matériel défectueux.
Le lendemain, le voilà obligé de fuir pour échapper aux forces de l'ordre. Mais dans un pays où tout peut devenir un crime du jour au lendemain, Youri sera rattrapé. Comme les autres, il partira sur la "route des ossements", loin de toute civilisation et d'humanité.


Ce qu'il y a de bien avec Anne Fine, c'est qu'elle sait pour qui elle écrit un livre. Et quand elle écrit pour les ados et les adultes, elle n'y va pas avec le dos de la cuillère.
Elle décrit donc ici un pays qu'elle ne nomme pas mais qui rappelle furieusement l'URSS au temps du stalinisme. Tout est parfaitement représenté : comment la peur de parler s'installe petit à petit, comment la suspicion et la délation apparaissent, comment le moindre petit mot est pris pour acte de trahison... Et ceci ne constitue que la première partie du roman.
Car la "route des ossements" nous allons la faire avec Youri. Et quand on arrive au goulag (mais le mot n'est pas écrit), on découvre tout de la vie d'un camp de prisonniers : le froid, la peur, l'humiliation, la ruse... Et c'est là que le roman fait peur.
Youri, pour survivre, laisse derrière lui sa compassion et son humanité. Cependant, il garde espoir au fond de lui, veut que les choses changent.
Je ne peux pas trop en dire pour ne pas gâcher votre lecture. Ce livre d'Anne Fine est riche d'enseignements : sur l'histoire, sur la nature humaine, sur la liberté.
Et il soulève une grande question : jusqu'où faut-il aller pour combattre un tyran ? La réponse est peut-être dans cette phrase, prononcée par la grand-mère de Youri : "Seuls les idiots se lèvent pour crier de joie lorsqu'un nouveau prince monte sur le trône".
Mélanie a bien aimé, Cathulu un peu moins (mais on est tous d'accord sur la couverture française : beurk !).
La route des ossements / Anne Fine. - Ecole des Loisirs, 2008. - (Medium).