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Est-ce que les webcams fascinent ? En ce qui vous concerne, j'ignore si elles vous fascinent, mais moi, c'est le cas. Et je ne parle pas de la vie privée d'une demoiselle, d'un jeune homme ou même d'un couple qui auraient du plaisir à s'exhiber devant leur webcam perso., non non. Je parle des webcams qui montrent des endroits de la planète, des villes, des plages, de la montagne, ou tout autre endroit que celui depuis lequel nous regardons ces images.
Il existe de nombreux sites Internet consacrés au visionnage de milliers de webcams à travers le monde. Mais il y a aussi un drôle de programme, (qui consiste plutôt en un interlude), sur LCI, et qui montre des images prises à travers le monde, dans l'heure précédente : Paris, Antibes, New-York, Metz, Tokyo, etc. On y voit donc un montage d'images du monde entier, durant 1 petite minute, entre deux programmes. A chaque fois que je tombe dessus, je reste fascinée par la sensation que donnent ces différentes images, comme en "temps réel", et à chaque fois je pense que c'est la chose la plus intéressante que la télévision diffuse... Alors pourquoi cette fascination ? Je ne suis pas la seule à me demander vers quoi courent ces pietons à New-York, sinon il n'y aurait pas 203 000 000 réponses sur Google avec la terminologie "webcam" (alors qu'il n'y en a "que" 63 300 000 avec la terminologie "sexe". Eh ouais).
Encore une fois, je ne parle pas de la webcam familiale ou comme support au dévoilement de l'intimité, mais bien celle des espaces sociaux ou naturels, que l'on regarde via cet outil. Début de réflexion sur différents aspects de ce phénomène :
- Une communication particulière. Et tout d'abord, est-ce de la communication ? On peut répondre par la positive si l'on considère le schéma le plus simple de la communication qui explique qu'il faut un émetteur, un récepteur, et un moyen de communication. Mais à y regarder de plus près, la communication, en la matière est moins simple à analyser dans le sens où la majorité des personnes filmées le sont à leur insu, que le récepteur n'est pas toujours présent et qu'il change constamment. Avec le principe de la webcam, c'est le principe même du schéma linéaire de la communication qui est bousculer, et c'est certainement autre chose qui est en train de se jouer.
- Un acte isolé et sentiment d'ubiquité. En la matière, on peut considérer que nous sommes quasiment dans un acte isolé de voyeurisme, et un moment qui exhacerbe le sentiment troublant et illusoire de pouvoir être partout en même temps. C'est un acte solitaire, car souvent non partagé par d'autres (notamment si on regarde les webcams depuis son ordinateur perso.), il est par ailleurs empreint de magie, et souffre de son impossibilité : on ne peut être ici et ailleurs.
- Du présent partagé. Paradoxalement à cet acte quasi-égoïste, la webcam est aussi un média du partage puiqu'elle permet de voir, d'être avec, d'avoir "l'impression de". Elle renseigne sur la météo, le moment de la journée, par les couleurs et les impressions. De plus, elle signifie le temps présent puisqu'elle est le plus souvent en temps réel, ou du moins dans un temps assez peu éloigné de celui de la réception. La webcam est une forme de nouvel ici et maintenant, une photographie du tout de suite et du plus loin.
- Une forme de vérité. Sans récit a priori, pas de début et pas de fin : la webcam ne nous raconte pas d'histoire. Webcam des villes ou webcam des champs, les gens passent, ou pas, ils ne racontent pas quelque chose de fictionnel à un public, si ce n'est qu'ils passent, et c'est déjà beaucoup. De fait, on peut avoir le sentiment de vivre avec eux quelque chose de réel qui appartient au quotidien, à leur quotidien, sans plus, ni moins, et c'est ici que peut surgir le sentiment de vérité.
Une communication spécifique, qui donne un sentiment d'ubiquité et de partage à travers le l'impression du réel, les webcams sont l'outil et le symptôme d'une société qui signifie la quête de ces différents élément. On cherche un ailleurs, tentant de lutter contre des impossibilités physiques et humaines, au moyen de médias dont les usages ne nous ont pas encore donné leur pleine puissance