Derrick incarne le lenteur et reste dans son genre ûber alles. C'est bien simple, même "L'homme du Picardie", feuilleton bien de chez nous où le plus fort de l'action tenait dans les passages d'écluses ou la tournée du facteur, aurait pu faire passer Christian Barbier, qui en incarnait le héros batelier, pour un précurseur de Bruce Willis, comparé aux molles fulgurances d'Horst Tappert.
Pourtant, les aventures de ce vieux limier avaient leur charme. Passer en revue la garde-robe des protagonistes de ce feuilleton, c'était comme se plonger dans ses albums Panini des années 1970, avec Rocheteau ou Claude Papi cintrés dans leurs maillots vert de Saint-Etienne et de Bastia. À ceci près qu'en trois décennies, là où le football a vu son jeu sans cesse s'accélérer, Derrick n'a jamais dérogé à ses lents principes. Comme si un Platini ou un Susic faisaient aujourd'hui de la résistance en persistant à marcher au milieu de terrain en dépit de l'agitation des Pokémon sous acide animant désormais l'entrejeu.
Alors mon vieil Horst, cette dédicace est pour toi. Pas seulement ce clin d'œil musical au thème devenu célèbre de ta série, non. Mais surtout cette image, témoignant d'un exercice qui attirait les foules il y a plus d'un siècle. Il s'agit d'une course de lenteur à bicyclette organisée dans les rues de Saint-Cloud, en région parisienne. Les concurrents y faisaient la démonstration de leur parfaite maîtrise de la "fée d'acier", en se rendant le plus lentement possible d'un point A à un point B, sans jamais poser pied à terre. Tout comme l'Oberinspektor Derrick, que seul le flegmatique Jean Richard, alias Maigret, a un temps pu concurrencer dans le registre du vieux perdreau confit…