Sept heures, journal du matin sur France Info. Au milieu d'un flot de nouvelles sur la vague de froid et ses conséquences, la
station de radio annonce la mort de deux sans-abris. Deux vies expédiées en une phrase, sans parcours, sans identité. France Info toujours, une poignée de minutes plus tard. Un sujet cette fois,
sur la mort d'un motard dans l'hilarant Dakar de la pampa. La journaliste se perd en conjectures sur ce mystérieux drame, l'inefficacité des secours, les errances de l'organisation. Pour
l'épitaphe radiophonique, mieux vaut crever en héros des temps modernes botté et casqué au milieu des coyotes que comme un chien dans les rues d'une grande ville…
Prises dans le grand flot de l'actualité, deux informations de même nature n'ont jamais eu le même traitement. C'est vieux
comme la Bible. Si la Palestine romaine avait eu sa feuille de choux, Jesus aurait eu le droit aux gros titres, les milliers de crucifiés anonymes aux entrefilets. L'oublié des manchettes ne s'en
porte pas nécessairement plus mal. Prenez par exemple aujourd'hui la condamnation pour violence raciste de deux supporters de l'Olympique lyonnais. Dans notre quotidien sportif national, la
nouvelle prend une quinzaine de lignes dans une colonne de brèves.
Imaginez maintenant la même information, mais concernant deux supporters parisiens. Immédiatement, c'est au moins un appel de "Une",
voire un dossier avec analyses sociologiques, retour sur vingt ans de hooliganisme dans la capitale, réactions de représentants du monde politique, associatif et des VIPs, qui froissent leurs
Dolce & Gabbana dans la corbeille du Parc des princes. Le manque de popularité supposé du Lyon de Jean-Michel "Kleenex" Aulas est donc plutôt un avantage dans ce cas d'espèce. Moins
vendeurs de papiers que ceux de ses concurrents parisiens ou marseillais, les déboires annexes du club de la seconde ville de France - Eh oui Jean-Michel, quoique tu fasses, ce sera TOUJOURS la seconde ville de France ! - sont traités à leur juste valeur, sans excès ni pathos.
Il en va de même, hélas, dans le grand bal des macchabées. Refroidis comme un fond de café dans un bol un matin d'hiver, deux clodos
vaudront toujours moins qu'un aventurier à deux roues. Qui, soit dit en passant, aurait sans doute été sauvé si le rallye-raid n'avait pas cette année fait dans la confusion géographique. Une
balise de détresse dans la pampa, un PC course à Paris, une épreuve baptisée Dakar mais disputée en Patagonie : avouez qu'il y a tout de même de quoi égarer le plus efficace des Saint-Bernard…