"On finit toujours par payer la facture de ses conneries."
Alain Chabat, in Gazon Maudit
C'est sans aucun doute un hasard, mais dans l'édition de mercredi, Le Monde pose exactement la même question : l'Euro peut-il éclater ? Pour citer des hauts responsables européens qui excluent d'emblée une telle éventualité. Tiens, JC Trichet, notre grand argentier en chef, y va lui aussi de son couplet lénifiant. Alors, la survie de l'Euro, une certitude ? voire...
Autrefois, lorsqu'un pays perdait en compétitivité, et/ou accumulait les déficits, sa monnaie s'ajustait à la baisse contre celle des autres pays adhérents au système de changes flottants. Avec l'Euro, cet ajustement par le cours de la monnaie n'est plus possible. Charles Gave estime que la sortie de l'Euro de certains pays du "club med", conséquence de leur mauvaise gestion, est inéluctable.
Bien que les tensions sur l'Euro soient importantes, je pense que le scénario proposé par Charles Gave n'est pas le plus probable, mais que celui qui risque de se produire est bien pire: je préférerais que Charles Gave ait raison.
Notons qu'aux USA, bien que des états en quasi faillite et incapables de trouver des prêteurs (cf. mes récents posts sur la Californie) coexistent avec le Texas ou la Caroline du Nord, en excédent, peu touchés par la bulle, et qui s'opposent à un sauvetage des états cigale par les états fourmis, personne ne parle de faire sortir la Californie ou l'Illinois de la "zone dollar". L'on nous répondra que la différence de forme entre l'économie grecque et celle de l'Allemagne est plus importante que l'écart de richesse entre le Missouri et New York. Certes, mais l'exemple américain nous montre que des économies assez divergentes peuvent co-exister avec une monnaie commune.
Allons plus loin, et imaginons quels sont les scénarios possibles pour l'Euro.
Que se passerait-il si la Grèce -- par exemple, mais le Portugal, l'Irlande, l'Espagne (qui vient d'être dégradée par S&P), l'Italie, et pourquoi pas la France, pourraient être intégrés à la démonstration --, du fait de la méfiance croissante des prêteurs à son encontre, venait à ne plus trouver assez de fonds pour refinancer sa dette ? Plusieurs solutions s'offrent à elle.
Scénario 1 : La première, la plus douloureuse politiquement à court terme, consiste à se déclarer en défaut de paiement, et à renégocier sa dette avec ses créanciers, avec ou sans l'aide du FMI. En contrepartie, le gouvernement grec devra dégraisser ses effectifs, réduire la paie de ses fonctionnaires, interrompre des contrats, vendre des actifs pour rembourser ses créanciers... Ou alors déclarer une banqueroute sur une fraction de sa dette, ce qui signifie une fermeture de l'accès aux marchés de capitaux tant que sa situation intérieure n'est pas assainie et que les créanciers ne revoient pas leur argent, sans parler d'un risque de faillite de nombreux investisseurs institutionnels locaux, fortement créanciers (souvent de par la loi) en papier de l'état national.
Scénario 2 : Autrefois, la Grèce aurait eu une échappatoire à cette issue terrible: spolier ses créanciers en laissant dévaluer la Drachme (le drachme ?), c'est à dire en faisant racheter la dette de l'état grec par sa banque centrale qui aurait remboursé en imprimant des billets. Tant de signes monétaires mis en circulation sans création de valeur en contrepartie diviserait considérablement la valeur unitaire de la monnaie. Cela aurait d'un coup considérablement renchéri le coût des produits importés, amputé d'autant le pouvoir d'achat des grecs, cela aurait relancé l'inflation dans la péninsule, mais aurait permis de conserver l'illusion d'un remboursement de la dette nationale, avec une monnaie ayant perdu une grande partie de sa valeur. Et la vie continuerait...
Dans la zone Euro, cela est fort heureusement impossible, pour l'instant: les statuts de la BCE interdisent tout "bailout" inflationniste, en rachetant la dette de pays membres insolvables. Et l'on peut compter sur les allemands pour empêcher à tout prix que la monnaie des vertueux teutons ne soit dépréciée pour faire plaisir aux indisciplinés héllènes.
Scénario 2 bis : Voilà qui fait dire à certains que des pays comme la Grèce pourraient précipitamment sortir de l'Euro, voire en être expulsés, et revenir à la Drachme, qu'ils pourraient alors dévaluer, revenant de fait au scénario 2.
Qu'il me soit permis, toutefois, de douter de la faisabilité de ce scénario. Un changement de monnaie est une affaire difficile, préparé de longue date, je vois mal la Grèce répétant l'opération inverse de celle effectuée il y a quelques années en quelques semaines, dans la précipitation et sous un risque constant de faillite.
Ce qui condamnerait la Grèce au scénario 1, c'est à dire peu ou prou celui que vit la Californie en ce moment.
A moins que...
Scénario 3 : imaginons que tous les pays méditerranéens de la zone Euro, plus l'Irlande, soient au bord de la banqueroute. Au train où vont les sauvetages de banques, de constructeurs automobile et de secteurs d'activité en faillite, rien de ceci n'est totalement impensable sous deux ans (à moins que ce ne soit deux mois, en ce moment, faire du timing prévisionnel est hasardeux). Qui l'eut cru il y a quelques mois ? enfin...
Dans ce cas, la pression politique pour changer les statuts de la BCE, pour la contraindre à racheter les dettes des états en faillite, et la rembourser en euro-de-singe, en fausse monnaie légale, sera énorme. Le scénario 3 reviendrait à étendre à toute la zone Euro le scénario envisagé en 2 pour un seul pays.
Mais... il y a un mais, me direz vous.
Scénario 3 bis: dans ce cas, les pays les plus vertueux ne seraient ils pas tentés de sortir de l'Euro et de revenir à leur Deutschmark ou similaire, géré vertueusement, pour éviter la débâcle générale ? Autrement dit, au lieu de voir des pays quitter l'Euro par le bas comme dans le scénario 2bis, ne verrait-on pas des pays quitter l'Euro "par le haut" ?
Là encore, le scénario me paraît improbable, car ni l'Allemagne, le Benelux ou le Danemark ne peuvent apparaître comme des modèles de vertu en ce moment. Eux aussi ont dû (enfin, ont cru devoir) "sauver" des banques en faillite, ont dû financer ou garantir des établissements très mal en point.
Ajoutons que la mondialisation des mouvements de capitaux ne laissera pas indemnes leurs banques déjà fortement touchées si les finances publiques de pays comme l'Espagne ou la France partent en vrille. Et que leurs gouvernements, engagés dans la folie "relanciste", seront eux même en proie à de très grandes difficultés.
Alors gageons que l'Allemagne, le Danemark, le Benelux, ne résisteront que mollement à la volonté politique croissante de l'union des états en détresse financière de reprendre la main sur la BCE, dont ils sont actionnaires, dussent-ils marcher sur la tête de Jean-Claude Trichet.
Par conséquent, il parait tout à fait possible qu'un rachat massif par les états de créances privées insolvables, suivies d'un rachat massif de dettes publiques par la BCE, en billets imprimés (en fait, créés électroniquement) sans valeur créée en contrepartie, se produise dans les quelques années à venir. Et là, l'inflation à deux chiffres, que l'on croyait enterrée dans les tréfonds de l'inconscient collectif des années 70, reviendra au galop. Vous craignez la déflation ? Attendez de redécouvrir l'inflation, et vous saurez que vos peurs n'étaient pas les bonnes ! L'Euro sera "sauvé" en apparence, mais à quel prix pour les euro-prisonniers ?
Certains affirmeront que cette hypothèse contredit celle d'une déflation longue, telle que défendue par exemple par Loïc Abadie, l'excellent analyste de Tropical Bear. Pas forcément. Il est normal que la contraction présente du crédit, donc de la "monnaie de crédit", favorise une tendance baissière des prix actuellement. Mais lorsque les sommes créées par jeu d'écriture dans les comptes des banques par la BCE commenceront à ressortir des comptes, et que le rachat de dettes publiques par les banques centrales commencera à prendre de l'ampleur, si mon analyse est bonne, alors cette tendance s'inversera. Bien malin celui qui pourra dire avec certitude "quand".
A moins qu'un scénario 4 ?... allez, rêvons un peu.
Ah, le scénario 4, qui serait à l'Europe ce que le plan C aurait été à la constitution Européenne. Vous en rêvez ? Les politiciens ne le feront pas, mais abordons le tout de même:
Les gouvernements européens, ayant consulté Charles Gave, Alain Madelin et Vincent Bénard -- mes tarifs sont disponibles sur demande spéciale par mel ;-)) --, se rendent compte que leurs folies budgétaires ne peuvent durer, et bravant leurs syndicats, leurs jeunesses d'extrême gauche prêtes à s'enflammer et leurs électeurs, se lancent de façon coordonnée dans un plan drastique de réduction des dépenses publiques et de baisse des impôts concomitantes, en ciblant les impôts les plus pénalisants pour la formation de capital et la rémunération du succès entrepreneurial. En agissant ainsi AVANT la débâcle budgétaire, ils rassurent les marchés, et continuent de trouver des prêteurs pour refinancer leur ancienne dette, qu'ils tendent à réduire. La crise qui s'ensuit est dure, mais plus courte, et le rebond des économies dès 2011-2012 est fulgurant. Dans un accès de sagesse inespéré, la conférence sur la finance internationale arrive à la conclusion que le retour à l'étalon or est la seule solution raisonnable pour éviter la formation de futures bulles de crédit dévastatrices. Le plan carbone, jugé inutilement dispendieux, est abandonné, les subventions agricoles démantelées, les dernières entraves à l'émergence d'un véritable marché Européen des services sautent...
Et comme je l'ai déjà écrit, les vaches se mettent à voler (cf. photo).
Vous comprenez, à la lecture de ce dernier scénario de pure science fiction, pourquoi le scénario 3 me parait le plus probable. C'est aussi celui qui devrait prévaloir aux USA, où la "folie injectrice" (expression de F.Boizard) ne semble plus avoir de limite, et où les banques continuent leur folle chute.
Et franchement, le scénario 2 (celui de Charles Gave) m'apparaitrait bien préférable au numéro 3. Et le scénario 1, encore préférable. Quant au 4... mais assez déliré, je me fais du mal.
A noter: J'invite tout lecteur ayant en réserve un scénario 5 si possible optimiste et réaliste, ou à défaut, comique, à le faire connaître au plus vite afin d'éviter à l'audience croissante de ce blog une crise de déprime profonde.
Quoiqu'il en soit, l'Euro a une probabilité que je juge non négligeable de mourir, ou, plus sûrement encore, de dépérir par résurgence du cancer inflationniste**. Tel est le prix à payer pour avoir élu, réélu et réélu sans réagir des gouvernants qui ont cru pouvoir manipuler les économies pour les conformer à tout prix à leurs utopies politiques, le tout à crédit. "On finit toujours par payer la facture de ses conneries". La notre ne va pas tarder à arriver.
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* Le colloque n'était ouvert qu'aux soutiens actifs des instituts Euro92, Hayek et Turgot, d'où l'absence de publicité élargie sur ce blog et ailleurs. Une façon de récompenser ceux qui nous soutiennent. Turgot mettra dès que possible en ligne la vidéo. Featuring, par ordre d'apparition, Henri Lepage, Alain Madelin, Charles Gave, Jean-Jacques Rosa, et votre serviteur, avec en guest star Philippe d'Arvisenet.
** Petit message personnel : Je rends hommage à la préscience de mon père qui m'avait dit en substance lors du référendum de 1992 (j'avais 24 ans... soupir) qui consacrait la marche vers la monnaie unique, qu'il voterait contre, car, "tant que l'Italie et la Grèce doivent gérer leur lire et leur drachme, ils devront soit faire preuve de rigueur, soit être sanctionnés par la chute de leur monnaie pour leurs inepties économiques. Avec l'Euro, ils seront encouragés à l'irresponsabilité, les Allemands et les pays du nord finançant l'incurie du sud par leur sérieux. Ca ne pourra pas durer à terme. L'euro est une construction artificielle qui ne fera pas illusion longtemps". J'aurais dû l'écouter, tiens, au lieu de voter stupidement "oui".
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LES COMMENTAIRES (1)
posté le 20 septembre à 17:48
Heille ca se peux tu ça! J'écris sur google le carbone peut-il exploser ? Pis ça m'arrive avec ce site là! AUCUN RAPPORT CRISS JE MEN CALISS DE LEURO MOI CEST LE CARBONE QUE JVEUX SAVOIR