CJCE, Arrêt du 20 janvier 2009, Sony c. Falcon, C-240/07
Falcon est une société allemande qui diffuse des CD reproduisant certaines chansons de Bob Dylan enregistrées en 1964. La filiale allemande de la société Sony, titulaire des droits d'auteur sur les chanson de Dylan, entend faire cesser cette diffusion. La société Falcon rétorque Sony ne peut se prévaloir d'aucun droit en tant que producteur de CD sur ces chansons, puisque de tels droits ne sont protégées en Allemagne que pour les oeuvres postérieures à 1966.
La juridiction allemande saisie du litige interroge la Cour de Justice sur la portée de l'article 10 de la directive 2006/116 relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins. Cet article prévoit que "les durées de protection prévues à la présente directive s'appliquent à toutes les œuvres et à tous les objets qui [en 1995] étaient protégés dans au moins un État membre dans le cadre de l'application des dispositions nationales relatives au droit d'auteur ou aux droits voisins ou qui répondent aux critères de protection énoncés dans la directive 92/100/CEE"
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La première question porte sur la première branche de l'alternative posée par l'article 10. Faut-il que le droit protégé le soit dans l'Etat membre où la protection est réclamée pour être d'application? En effet, dans un tel cas, selon la loi allemande, les productions de M. Dylan, antérieure à 1966, n'aurait pas droit à cette protection.
La Cour considère que rien dans le texte de la directive ne permet de postuler une telle exigence: il suffit donc que l'oeuvre soit protégée dans n'importe lequel des Etats membres. Du reste, il serait au contraire tout à fait dommageable, au vu de l'objectif d'harmonisation postulé par la directive de considérer le contraire. En effet, en vue d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, cette
directive est destinée à harmoniser les législations des États membres
de manière à ce que les durées de protection soient identiques dans
toute la Communauté.
En l'occurrence, le droit anglais protège les droits des producteurs de phonogrammes sur les oeuvres antérieures à 1966. Etant protégés dans un seul Etat à la date du 1er juillet 1995, cela suffit à mettre en oeuvre l'article 10 de la directive.
La seconde question préjudicielle portait sur le point de savoir si l'article 10 pouvait trouver à s'appliquer même si le titulaire du droit était un ressortissant extracommunautaire.
Selon la Cour, "il ne ressort pas du libellé dudit article 10, paragraphe
2, que celui-ci ne viserait que les dispositions nationales relatives
au droit d’auteur ou aux droits voisins qui concernent la protection de
titulaires de tels droits ressortissants de la Communauté. En effet,
aux termes de cette disposition, les États membres doivent accorder les
durées de protection prévues par la directive 2006/116 à toutes les
œuvres et à tous les objets qui, au 1er juillet 1995, étaient, en tant que tels, protégés dans au moins un État membre". La Cour considère qu'il n'y a pas de contradiction en cette conclusion et le libellé de l'article 7 de la directive. Selon la Cour, l'article 7 vise les cas où les durées de protection prévues par ladite directive sont
réclamées par des titulaires de droits voisins du droit d’auteur qui , en effet, ne
sont pas des ressortissants de la Communauté mais en relation avec une œuvre
ou un objet qui ne satisfait à aucune des deux conditions alternatives
de la disposition transitoire de l’article 10, paragraphe 2, de cette
directive.
Or, au Royaume-Uni, la protection
prévue par le droit national s’applique aux phonogrammes qui ont été
fixés avant le 1er janvier 1966 et que les phonogrammes en cause au principal bénéficiaient déjà d’une protection dans cet État membre au 1er
juillet 1995. Dans ces conditions, l’article 7, paragraphe 2, de la
directive 2006/116 n’a pas vocation à régir la situation en cause au
principal.
La réponse à la seconde question est donc positive: l’article 10 s'applique dans une situation où l’œuvre ou l’objet en cause était, au 1er juillet 1995, protégé en tant que tel dans au moins un État membre en application des dispositions nationales de cet État membre relatives au droit d’auteur ou aux droits voisins et où le titulaire de tels droits sur cette œuvre ou cet objet, même ressortissant d’un pays tiers, bénéficiait, à cette date, de la protection prévue par ces dispositions nationales.