Voici donc quelques éléments de (mes) réflexion(s).
Le recours à la vidéosurveillance s’est considérablement accéléré sous la pression des politiques qui désirent lutter contre d’une part le terrorisme et d’autre part ce que l’on appelle les « incivilités ».
À titre d’exemple, l’agression puis la mort, dimanche soir, dans le métro parisien du journaliste sportif italien Sergio Vantaggiato a immédiatement donné l’occasion à la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie de revendiquer la multiplication des caméras de vidéosurveillance. Même si en France personne ne sait exactement combien il y a de caméras, il est question de tripler ce nombre.
À Lausanne, la ville connaît le nombre de caméras dont elle dispose sur territoire public, mais personne ne sait exactement le nombre de caméras privées filmant des lieux privés accessibles au public.
Toujours est-il qu’aujourd’hui les politiques, désireux de donner une réponse, à un sentiment d’insécurité soigneusement entretenu par certains à coup de chiffres manipulés et de déclaration à l’emporte-pièce, ont tendance à se réfugier derrière la pseudo-sécurité que procure la technique. Si cela ne semble pas être la volonté de la municipalité lausannoise, cette fuite en avant technologique est la voie choisie par d’autres. Et cela sans débat démocratique préalable ainsi qu’en témoigne cette phrase du nouveau président français : «le débat caméras-libertés individuelles est un débat totalement dépassé».
Étonnant pour un libéral pur sucre, non ?
En plus de l’absence de débat démocratique, il semble bien que la vidéosurveillance ne soit pas aussi efficace que ce que pensent certains. C’est en tout cas l’avis d’Eric Heilman, maître de conférence à l’université Louis-Pasteur de Strasbourg, qui déclarait à Libération à propos de l’abondante panoplie de caméras britanniques :
(…) des travaux des chercheurs britanniques qui étudient depuis quinze ans l’efficacité de la vidéosurveillance dans leur pays. Ils concluent tous que les caméras ont apporté rarement la preuve de leur efficacité dans la prévention de la délinquance. Quant à la résolution d’enquêtes, la vidéosurveillance peut accélérer l’obtention de résultats à condition d’être précédée d’un travail de renseignements. Les caméras ne servent à rien si l’on ne sait pas ce que l’on cherche. Prenez les attentats de Londres, en juillet 2005, c’est parce que la police britannique avait été informée de l’identité potentielle des suspects qu’elle a pu ensuite les reconnaître sur des images. Cela a été possible parce que des centaines d’enquêteurs ont été mobilisés pour visionner 15 000 vidéos. Penser que l’on pourrait mobiliser de telles ressources humaines pour des actes criminels de moindre ampleur serait se moquer du monde.
Voilà qui est assez clair. Ce qui est assez clair aussi, c’est que la cybersurveillance n’est que peu, voire pas, réglementée en Suisse et qu’avant toute chose, il serait utile de mettre en place des moyens de surveiller la surveillance.
Pendant que je me lance dans la rédaction de mon rapport, je vous laisse avec cette vidéo militante consacrée à cette délicate thématique.
Big Brother State (fr) envoyé par aurialie