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Lignes d’obscurité (1) - Blake

Publié le 21 janvier 2009 par Zegatt

Toujours la nuit. Cette même nuit qui, nous livrant à la cécité du regard, ouvre pourtant les horizons de l’esprit. Noir émancipateur, temps des réflexions, des retrouvailles avec soi-même, obscurité propre à l’étreinte ou à l’effleurement d’une quelconque vérité jusque là invisible… L’occasion d’avancer un peu plus loin.

En l’occurence, une nouvelle catégorie que j’inaugure ici avec William Blake - à qui, je le rappelle, le site doit son nom de Vala -, une catégorie pour explorer quelques lignes, une page ou deux à l’occasion, le temps de s’arrêter sur ce que ces phrases conduisent avec elles, ce qu’elles offrent dans l’instant où elles ont sû arrêter notre regard, attarder notre lecture.

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Enfants de l’Avenir
Qui lirez ces pages indignées,
Sachez qu’en un temps ancien
L’Amour ! le doux Amour ! semblait un crime.

Ainsi s’ouvre “Une petite fille perdue” dans les Chants d’Expérience de Blake.

Et si c’est l’appel au Tigre que les lecteurs ont retenu des poèmes de Blake (”Tigre ! Tigre ! ton éclair luit / Dans les forêts de la nuit, / Quelle main, quel oeil immortels / Purent fabriquer ton effrayante symétrie”), ces quelques lignes pourtant ne sont pas sans résonnance. Peut-être même en ont-elles plus.

Blake se prête à l’exercice de prophète, quelques décennies avant le prophête Nietzschéen ou l’appel au lecteur de Baudelaire (”Hypocryte lecteur, mon semblable, mon frère !”). Mais plutôt que de sombrer dans la mélancolie ou la destruction, c’est un appel à des réjouissances futures, teintées de la nostalgie sombre des jours anciens.

Prophète, le poète anglais l’est en effet. Il se fait le précurseur des destructeurs futurs de la Morale, celle-là même qui fait de l’amour un crime en son temps. Nul accusé, mais les mots laissent sous-jacente la pensée Blakienne : la Jérusalem céleste, celle de la rencontre charnelle, n’est pas celle de la prêtrise anglicane. L’homme l’a pourtant à portée de main, dans l’amour de ses pairs, un amour violent - il ne saurait en être autrement avec Blake, le compromis n’est pas de mise.

Non pas que Blake soit laïque, mais à l’égal de Milton qu’il vénère sans mesure, Blake se veut mystique, “un Vrai Poète et du parti du Diable sans le savoir”. Milton faisait s’accoupler Adam et Eve dans l’Innocence du jardin d’Eden ; Blake, plus terrestre dans la naissance du Verbe, élève celui-ci, à mesure, vers le dépassement. Le lecteur l’accompagne dans le périple, souhaitons qu’il s’élève lui aussi.

ancientofdays
William Blake, Ancient of Days

  

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