Se souvenir (28-V-07)>>>> Cette chronique du Pont Sur La Jungle de B. Traven aurait pu être entièrement consacrée à son auteur qui, à lui tout seul comme un grand, est certainement l'un des meileuLE meilleur roman qu'il ait jamais écrit. Personnage flouflou, comme les aime tonton, B. Traven serait né en 1882 en Posnanie à moins que ça ne soit plutôt en 1890 à Chicago de parents allemands (????) &, pourquoi pas y aller franco l'emballage, le bonhomme (c'est pra-ti-que-ment sûr mais presque pas certain) serait mort au Mexique vers 1969 où les indiens, qui l'aimaient beaucoup, auraient répandu ses cendres avant que sa veuve ne puisse dire si ou ou non c'était une bonne idée. 1969, année érotique donc. L'espace qui court d'une extrémité à l'autre est rempli tout plein de mystères & de légendes. [Mode Conditionnel Actif (toujours)]: il aurait été tour à tour journaliste, desperado en Amérique Centrale (c'est si romantique), anarchiste teuton sous le nom de Ret Marut, matelot sur d'improbables rafiots à bord desquels il a du se mettre à l'envers en compagnie consulaire (un site récapitule toutes les hypothèses nominatives les plus invraisemblables), acteur dans le film Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston dont il est l'auteur & scénariste (!!!)... il faudrait une autre chronique pour raconter comment le célèbre réalisateur (qui a aussi adapté le fabuleux roman de Lowry) ne décolérait pas après son scribe obstinément invisible sans savoir que celui-ci était bel & bien sur le plateau en tant que simple technicien (!!! bis). Parmi tout ça B. Traven fut aussi écrivain.
Le Pont sur la Jungle commence alors que Gales, « baroudeur énigmatique », arrive dans un hameau perdu au milieu de la verdure moite & sombre d'Amérique Centrale & coupé en deux par un fleuve intempestif. Le soir même a lieu une fête qui voit débarquer des indiens de tous les coins & se caler sur la place en attendant l'orchestre. Mais de fête il n'en sera jamais question: un enfant a disparu donnant ainsi le départ à un hui-clos nocturne & tragique.
Évidemment, les fouilles qui s'organisent vont prendre une dimension toute particulière. Roman d'atmosphère déjà assez intriguant Le Pont sur la Jungle s'enfonce à chaque page dans l'envoûtement le plus total. La jungle, véritable personnage central du récit (où comment enfoncer une série de portes ouvertes de façon très scolaire), va peser de tout son poids sur l'intrigue & devient l'élément instigateur d'un imaginaire sauvage & primitif. L'obscurité minérale oblige Gales aux tâtonnements, aux approximations. Ce manque de repères (visuels, culturels, psychologiques) exacerbe l'incongruité du monde indien dont il ne sait rien. Les règles sont changées depuis longtemps & Gales doit les accepter si il veut comprendre les comportements qui éclatent autour de lui. Ainsi, l'entrée de la magie dans le texte se fait aux forceps tant le gringo y est réfractaire. Pour lui, occidental rationnel, les incantations sacrées ne pourront en rien aider la communauté à retrouver l'enfant. C'est pourtant ce qu'il adviendra.
Langoureux avec quelques passages assez planplan le roman de B. Traven est aussi une franche critique de l'influence & de l'appréhension de l'homme blanc sur le monde indien, sur ses croyances. On y retrouve aussi la même charge anti religieuse que chez Ladoo (notamment dans Yesterdays). Ce christianisme despotique & omnipotent pourtant imbibé jusqu'à la garde de rites chamaniques, transfiguré par une théâtralité excessive.