Les nymphes du désir # Chronique 26

Publié le 20 janvier 2009 par Katrin

Il fallut un docteur et sexologue réputé, le Dr Zwang, pour oser écrire un livre uniquement dédié à  la partie du corps humain la plus fascinante, mais aussi la plus controversée et  la plus interdite. Dans « Le sexe de la femme », paru pour la première fois en 1967,  notre cher docteur en fait un objet à la fois d’étude et de désir. Mal accueilli par la corporation médicale, le livre fut cependant contre toute attente récupéré par le mouvement féministe – les femmes s’y sentait reconnues enfin dans leur sexualité – puis tomba dans l’oubli. La Musardine, pour le plus grand bonheur des curieux et des nostalgiques de la cause, réédite la fameuse étude dans deux versions, « Atlas du sexe de la femme » et « Eloge du Con ».

On y trouvera dans le premier une cartographie détaillée de la morphologie vulvaire, où sont décrits et classés avec la précision d’un entomologiste quelques centaines de gros plans d'intimités féminines. Il rend ainsi hommage à l’extraordinaire variété de formes et de couleurs du sexe de la femme, dans une typologie « des nymphes » presque poétique. Voilà donc un premier bon point pour le docteur : réhabiliter le sexe féminin en trouvant inexcusable cette censure esthétique dont il est l’objet !

Sans parler  de « ces qualificatifs injurieux » et « de ces déshonorantes conduites de haine contre le sexe de la femme », qu’il analyse surtout dans le deuxième ouvrage. En effet, tout est reproché à la vulve et au vagin, leur anatomie comme  leur physiologie : le sexe est poilu, « trop exubérant et compliqué », doté de mauvaise odeurs, trop humide, sanglant, et « maléfique ». Preuve à l’appui, un lexique universel très dévalorisant qui désigne le sexe de la femme  - « être un con » n’est-il pas la plus utilisée des injures ? -  mais aussi des termes littéraires ou populaires qui ont servi à la description du « con ».

Honneur à lui aussi de faire du sexe de la femme un sanctuaire sacré qui ne peut se révéler qu’aux explorateurs les plus audacieux, du bord des grandes lèvres, à « l’efflorescence du capuchon et des nymphes », jusqu’à l’endroit « où s'ouvrent les orifices secrets ». L’auteur redonne aussi du blason au clitoris qui « presque toujours caché, voilé par le prépuce féminin que beaucoup ne savent même pas pouvoir retrousser » est «  le plus secret des organes externes du corps humain » et tout en revendiquant sa pilosité, encense la moiteur, le fumet et la dimension sacrée du Mont Vénus.

Observateur naïf et curieux, vibrant défenseur de notre jardin secret, Gérard Zwang agrémente savamment notre lecture d’érudition et de science, avec un brin d’humour et de poésie panthéiste. Le caractère polémique de ces ouvrages reste à nos yeux toujours d’actualité, tant le sexe de la femme, malgré son exposition pornographique, reste une énigme. A l’instar de A. Malraux, prions qu’il soit considéré comme « le seul moyen de l’homme d’atteindre sa vie la plus profonde à travers l’érotisme, seul moyen d’échapper à la condition humaine des hommes de son temps.»


Eloge du Con, Gérard Zwang. Editions La Musardine,  Collection l’Attrape Corps, 2008-10-27

Atlas du sexe de la femme, Gérard Zwang. Editions la Musardine 2008

Cet article est paru dans le Magazine des Livres, en kiosque en Novembre 2008, par Katrin Alexandre