La prudence suspecte des banques de ces derniers mois semble avoir trouver une explication. Comme dans le cas d’un séisme de forte magnitude, après un premier effondrement le système financier connaît ces derniers jours un phénomène de réplique. De nouvelles pertes colossales sont annoncées depuis vendredi dernier dans de nombreux établissements bancaires.
Après les pertes de Citigroup et Bank of America, vendredi, le déficit dévoilé par la Royal Bank of Scotland (RBS) a entraîné lundi un effondrement du titre de 66% et un début de panique lundi 19 janvier. Le coffre-fort Helvétique n’est pas épargné. Dans la même journée les actions Crédit Suisse ont perdu 6,7% de leur valeur. Celles d’UBS ont plongé de 25% en dix jours, alors que court le bruit de considérables pertes trimestrielles. La Confédération Helvétique va reprendre à son compte 60 milliards de francs d’actifs toxiques à UBS.
Alors que les Etats-Unis s’apprêtent à débloquer la seconde enveloppe de 350 milliards de dollars du plan Paulson et que Barack Obama, souhaite obtenir 1000 milliards de dollars supplémentaires du Congrès la situation est également préoccupante en Europe.
Der Spiegel, dans son édition d’hier rapporte que les grandes banques allemandes n’ont jusqu’à présent provisionné pour dépréciation qu’un quart des près de 300 milliards d’euros d’actifs toxiques américains présents dans leurs comptes mais surtout, que le ministère allemand des Finances évalue à 1.000 milliards d’euros les actifs risqués présents dans les comptes.
En Grande-Bretagne, le gouvernement britannique a lancé lundi un nouveau plan pour les banques qui assure leurs pertes et garantit leurs dettes. Il y a urgence. Royal Bank of Scotland (RBS) a indiqué que ses pertes pourraient atteindre 30,95 milliards d’euros au titre de 2008. Pour éteindre l’incendie, la participation de l’Etat britannique au capital de la banque doit être portée de 58% à la suite du premier plan à, près de 70%. L’extrême fragilité de RBS a fait plonger son titre de 67% lundi et a entraîné dans son sillage la chute des autres valeurs bancaires britanniques.
L’inquiétude est partagée au niveau européen. Les valeurs bancaires irlandaises ont connu un très fort recul à l’image d’Allied Irish Banks (-59%) qui doit recevoir pour deux milliards d’euros de fonds publics moyennant 25% des droits de vote donnés à l’Etat Irlandais. En France, les titres de BNP Paribas et Société générale ont perdu de l’ordre de 10%.
Les regards se tournent naturellement vers la nouvelle administration américaine. Confrontée à ce qu’elle considère comme un puits sans fond, l’équipe Obama réfléchit à une nouvelle stratégie. Une mesure radicale consisterait à nationaliser les actifs douteux de l’ensemble du système bancaire. Le contribuable américain se trouverait alors l’heureux propriétaire des actifs jugés “toxiques”. Et comme la barque n’est pas assez chargée, l’Etat Fédéral pourrait être sollicité par les autres grands secteurs en crise, sidérurgie mais surtout automobile à travers la prise en charge du paiement des pensions de retraite et d’assurance-maladie.
Cette conjoncture anxiogène devrait amener de l’eau au moulin de Nicolas Sarkozy qui reçoit ce soir à l’Elysée les principaux dirigeants des banques françaises pour aborder notamment la question des bonus. Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, est également entré dans la danse en déclarant dans un discours prononcé hier à l’occasion d’un colloque ‘Coface Risque Pays 2009) qu’il convient de mettre fin “à la culture du bonus” et à la “focalisation excessive sur le rendement à court terme dans le secteur financier”.
“Les politiques agissent comme s’ils étaient actionnaires majoritaires des banques, ce qui n’est pas du tout le cas” se défendent les banquiers. Ce qui est vrai, du moins pour le moment.
Les dirigeants du secteur bancaire auraient-ils mangé leur pain blanc ? C’est ce qu’on peut penser lorsque la position de Nicolas Sarkozy rejoint celle du travailliste Gordon Brown. A l’occasion de l’annonce d’un nouveau plan de sauvetage bancaire, le Premier ministre britannique a proclamé sa colère contre les banques et a indiqué que ce n’est pas un chèque en blanc destiné à aider des banques « irresponsables », mais bien à irriguer l’économie sevrée de crédit.