En 1956, le Soudan acquière son indépendance. Cependant, le gouvernement de Khartoum décide de revenir sur sa promesse de créer un Etat Fédéral ce qui déclenche une mutinerie des autorités du Sud. Cette guerre civile, qui aura duré 17 ans, prend fin suite aux accords d’Addis-Abeba en 1982 qui donnent une relative autonomie régionale au Sud Soudan. Le conflit reprend en 1983 alors que le Président Nimeiri tente d’instaurer la Charia dans le pays. Celui-ci ne se calme qu’en 1989 à l’arrivée du Président Béchir qui applique la Charia uniquement aux Etats du Nord. Ce n’est qu’en 2005 que les accords de paix de Nairobi, entre le chef du SPLA John Garang et le gouvernement Nord Soudanais, mettent fin au conflit.
Cartographie des ressources pétrolières
Comme nous pouvons le constater, les ressources pétrolières, enjeu stratégique majeur au Soudan, sont principalement situées dans le Sud Soudan. Toutefois, le pipe-line servant à acheminer le pétrole à Port Soudan pour son exportation est lui, situé au Nord. Nous comprenons alors aisément les enjeux liés à l’indépendance du Sud vis-à-vis du Nord. Le Nord dispose alors d’un important moyen de pression concernant l’exportation du pétrole venant du Sud. Le Sud indépendant, quant à lui, peut librement faire construire son propre pipe-line et ainsi faire totalement perdre au Nord le bénéfice de l’exploitation des ressources pétrolières.
Implications et influence étrangères
Avant toute analyse, il est important de noter, pour comprendre les différents conflits qui déchirent le Soudan, que la population du Sud Soudan est en majorité noire et catholique, alors que la population du Nord qui est d’origine arabe et musulmane.
Au Nord, et avec 5 milliards de dollars investis, la China National Petroleum Company, CNPC, de Beijing, est l’investisseur numéro un et fait passer le Soudan au rang de 4ème fournisseur en pétrole de la Chine. De plus, et bien qu’il soit difficile de le chiffrer réellement, la Chine a déclaré avoir livré plusieurs dizaines de millions de dollars d’armement au gouvernement de Khartoum.
Au Sud, on remarquait jusqu’à il y a peu, une très forte présence de Sociétés Militaires Privées Anglo-saxonnes à Juba. Au cours des deux dernières années, fastes pour les SMP (PAE, DynCorp, Blackwater, etc.) se voient attribuer de nombreux contrats en lien avec la structuration du SPLA. Et, en Juillet 2008, le gouvernement de Khartoum finit par enjoindre ces sociétés à quitter le territoire soudanais afin de limiter les possibles influences des Etats-Unis sur le Sud Soudan. Remarquons toutefois, que la société MPRI se maintient sur place avec pour mission d’assurer la formation des soldats du SPLA.
Dynamique de développement du Soudan
Depuis ces derniers mois, la population de Khartoum a montre des signes de profond agacement envers le gouvernement du Président Béchir : nourriture surtaxée et réseaux de transport inutilisables comptent parmi les griefs les plus cités. Cependant, la politique de gestion des ressources pétrolières reste la préoccupation principale de la population. En effet, pour équiper son armée, le gouvernement de Khartoum choisit de gager sa production de pétrole au profit de la Chine, et ce sur plusieurs années et au cours de 40 dollars environ le baril. On comprend alors le mécontentement de la population affamée qui voit sa manne financière perdue lorsque le cours du baril grimpe aux alentours de 140 dollars… Abdallah El Siddig, descendant direct du dernier Sultan du Soudan et leader de l’opposition, joue très largement sur cet argument pour critiquer son adversaire.
Depuis un an environ, nous notons une volonté de développement de la part du gouvernement sud soudanais. En effet, conscient de sa problématique énergétique, le Sud Soudan, financé par le Nord, a lancé un vaste programme de construction de cinq barrages hydroélectriques situés sur le Nil entre la capitale Juba et la frontière ougandaise. Nous remarquons également un accroissement de la présence de sociétés de construction kenyanes et chinoises chargées du développement des réseaux routiers et pontonniers.
Le SPLA, en voie de structuration et de professionnalisation cherche lui aussi, à s’équiper et à faire former ses soldats. La récente livraison de T-72 avortée suite à l’intervention de pirates somaliens, ainsi que les rumeurs de volonté d’acquisition d’une dizaine d’hélicoptères de combat russes, nous donne un aperçu du futur volume et équipement de cette organisation. Par conséquent, le Nord Soudan se lance actuellement dans une campagne de séduction vis-à-vis du Sud en finançant de nombreux projets de construction. Ainsi, le gouvernement de Khartoum espère, en pure perte, s’attirer le vote « contre » de la population du Sud lors du référendum sur l’indépendance du Sud prévu en 2011.
La Chine importe actuellement 60 % de la production de pétrole soudanaise. Dans le cadre d’une indépendance du Sud Soudan, sous influence américaine, il parait peu probable que cet état de fait perdure aussi aisément qu’aujourd’hui. Le Sud Soudan, privé de son principal client et du pipe-line contrôlé par le Nord et sous influence chinoise, devrait donc trouver de nouveaux débouchés pour son pétrole ainsi qu’un nouveau moyen d’acheminement vers une façade maritime. Le Nord, quant lui, serait privé de la majeure partie des revenus liés à l’exploitation du pétrole dont il bénéficie aujourd’hui et il semblerait peu probable que Khartoum accepte ce fait sans sourciller.
Au regard des jeux d’influence entre Chinois et Américains dans cette région du globe, on peut douter qu’un accord commercial entre le Nord et Sud puisse être trouvé pacifiquement. Avec 220 millions de tonnes de pétrole en réserve, le Soudan est le théâtre d’une guerre d’influence majeure entre les Etats-Unis et la Chine. Le conflit du Darfour, exemple criant de celle-ci, n’est pour le moment limité qu’à cette seule région. L’indépendance du Sud par rapport au Nord Soudan, bien que très profitable pour le Sud en terme de développement économique, pourrait se révéler être un déclencheur de guerre civile sans précédent dans tout le pays, et ce avec des conséquences potentielles dans les pays voisins. Il parait donc fondamental, mais au combien utopique, que le Nord et Sud Soudan trouvent ensemble un accord sur l’exploitation des ressources pétrolières du pays.
BM