Par Alice POUYAT
leJDD.fr
Après Edvige, après Ardoise, un autre fichier de police au nom moins poétique risque de réveiller la polémique sur la protection de la vie privée: le Stic (système de traitement des infractions constatées) fait l'objet d'un rapport très critique de la Cnil, qui doit être remis jeudi à la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie. Cinq millions de personnes seraient concernées.
Alors que la polémique sur les atteintes à la vie privée déclenchée par Edvige et Ardoise semblait apaisée, un autre fichier pourrait relancer le débat. D'après Le Parisien, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) s'apprête en effet à rendre un rapport très critique envers le plus important fichier de police: le Stic (Système de traitement des infractions constatées). Né en 1994 sous Charles Pasqua, alors patron de la place Beauvau, ce fichier recense des informations sur les auteurs ou victimes de crime, de délit, ou de contravention grave, soit cinq millions de personnes environ.
Toujours selon Le Parisien, les critiques de ce rapport, dont il a pu consulter une version provisoire, portent principalement sur quatre points. La Commission dénonce d'abord le mode de classification des personnes fichées: les policiers sont en effet appelés à renseigner leur "état" à l'aide de qualificatifs comme "homosexuel", "travesti", "permanent syndical", "membre d'une secte" ou "handicapé moteur". Même si les fonctionnaires semblent généralement sauter cette étape, la Cnil pointe un risque de stigmatisation, comme dans le fichier Ardoise.
Des données périmées
Deuxième motif d'inquiétude pour les auteurs du rapport, François Giquel et Jean-Marie Cotteret: le manque de contrôle de l'accès à ces fichiers. Pour consulter le Stic, les policiers doivent pourtant entrer un mot de passe qui change tous les trois mois. Toutes leurs recherches sont également enregistrées. Problème, note la Cnil, les responsables hiérarchiques surveillent bien peu ces enregistrements et les contrôles se font généralement a posteriori, alors qu'ils devraient avoir lieu en temps réel.
Le rapport déplore aussi une mauvaise mise à jour du fichier. En 2007, seulement un classement sans suite sur cinq, un tiers des relaxes et 7 % des acquittements recensés sur les 34 tribunaux de grande instance contrôlés par la Cnil auraient ainsi été transmis à la police. Les magistrats, accusés de ne pas assez communiquer avec la police, sont les premiers visés. A leur décharge, ils ne disposent souvent pas de terminal informatique pour accéder au Stic.
Ces retards de mise à jour sont d'autant plus inquiétants, souligne enfin le rapport, que le Stic est souvent utilisé pour des "enquêtes de moralité" dans le cadre de recrutements dans la fonction publique (pour les agents des douanes, de police municipale, les magistrats ou les gardiens de prison...), mais aussi dans le secteur privé (entreprises de sécurité).
Les conclusions de ce rapport provisoire de la Cnil doivent encore être examinées et précisées en séance plénière mardi, avant d'être présentées jeudi au gouvernement. De quoi alimenter le travail de la commission nommée par Michèle Alliot-Marie pour remettre de l'ordre dans la jungle des fichiers.