“Nous sommes tous Gaza”, manifestation à Beyrouth au début des bombardements.
Le 11 janvier dernier, Ari Folman, le réalisateur de Valse avec Bachir, recevait à Berverly Hills le Golden Globe du meilleur film étranger pour son documentaire autobiographique, en images d’animation, sur les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila en 1982.
Le même jour, au moins 60 victimes tombaient à Gaza, comme le rappelle Tania Tabar, dans un article en arabe et en anglais sur le site Menassat. On craint aujourd’hui que ces bombardements aient fait près de deux mille victimes au total.
Très majoritairement, l’opinion israélienne a soutenu ce déchaînement de violence aveugle. Selon les sondages, 90% de la population a approuvé la politique de son gouvernement (bien moins en réalité, mais ces sondages ne tiennent pas compte, ce qui est tout dire, de ce que pensent les citoyens arabes de l’Etat israélien).
Dès lors, comment Valse avec Bachir, ce film écrit clairement contre la guerre et les massacres de populations palestiniennes sans défense - rappelons qu’en 1982 la Résistance palestinienne avait évacué Beyrouth, forte des assurances internationales que la population civile serait protégée - a-t-il pu recevoir un tel accueil partout dans le monde, et y compris de la part du public israélien, à la grande surprise du réalisateur lui-même ?
Pour Tania Tabar, qui n’oublie pas d’exprimer toute son admiration pour la qualité du film, Valse avec Bachir a été aussi bien reçu parce qu’il fait porter la responsabilité des massacres de Sabra et de Chatila sur les seuls miliciens phalangistes, et sur Ariel Sharon, coupable d’avoir donné le feu vert à l’opération de « nettoyage ». Quant aux gamins de 19 ans, tel le réalisateur du film à l’époque, ils auraient eu comme seul tort de s’être trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment.
Mais il y a une autre raison, poursuit-elle, qui tient au fait qu’Ari Folman a fait un film « personnel », et qu’il a ainsi donné un récit qui, en refusant de « documenter » l’histoire de la région, exonère en fait l’Etat israélien de toute responsabilité dans la violence méthodiquement employée contre les populations libanaise et palestinienne du Liban, des années durant. Du coup, et même si ce n’est absolument pas le point de vue voulu par le réalisateur, les soldats de « l’armée de défense » sont dégagés de toute responsabilité individuelle, dans cette lutte « contre le terrorisme ». Une position dont on trouve le triste reflet à Gaza, aujourd’hui.
Dans la dernière scène de Valse avec Bachir, les images d’animation laissent brutalement la place à des archives d’actualité. On y voit des Palestiniennes retourner dans les camps pour y découvrir les cadavres des leurs, qui jonchent les ruelles. L’une d’elles se tourne vers la caméra et hurle sa douleur : « Mais où sont les Arabes, où sont-ils ? »
Pourquoi avoir refermé le film sur cette séquence, pourquoi Ari Folman a-t-il voulu conclure ainsi ce film « personnel », se demande Tania Tabar.
D’autres questions viennent à l’esprit encore, comme celle que pose également cet article, sur le fait que 400 000 Israéliens aient pu manifester à Tel-Aviv en 1982, à la suite des massacres, alors qu’on en a compté à peine 10 000 pour Gaza. (Bien entendu, les 100 000 Israéliens de Sakhnine, ville arabe de la Galilée, ne comptent pas, là encore !)
Et puis, à Gaza, et dans le monde arabe, nombreux sont ceux qui se demandent aujourd’hui : où sont les Arabes, où sont-ils ?