Le sujet est compliqué ; à peine évoque-t-on l’envie de réfléchir sur le porno, qu’on est catalogué censeur, cul bénit ou pire féministe.
C’est vrai que le porno est autant l’objet d’une critique prude - ou faussement prude - et réactionnaire que d’une autre, plus hédoniste ou militante ; les deux sont parfois confondues.
Agnés Giard parle donc du dernier livre de Maïa Mazaurette où comparaison est faite entre le cinéma dit classique et le cinéma porno ; comparaison qui ne tient pas. Même s’il y a évidemment mises en scène dans tous les types de cinéma, l’acte sexuel n’est pas simulé dans le X alors qu’il le serait dans le cinéma dit traditionnel (d’où d’ailleurs la polémique à la sortie du dernier tango à Paris ou des films de Breillat).
De plus, contrairement à ce qui est avancé, rien n’empêche d’étudier les codes parfaitement machistes auxquels obéissent les films d’action comme d’interroger ceux présents dans une majorité de films X.
Il est d’ailleurs curieux de constater que le porno, hostile à la morale bourgeoise, en est un pur produit : reprise de schémas éprouvés homme/femme ; noir/blanche, performance et productivité à l’honneur. Le porno qui a joué sur la transgression des normes dans les années 70 s’y est perdu. Prenons une scène banale ; Marie-Amélie se prépare à prodiguer à Filibert une fellation, geste sympathique que Filibert gratifie d’un vigoureux “oh oui t’aimes ca, salope”. Mais pourquoi “salope” ? Le porno joue sur l’idée qu’il est contestataire, anti-bourgeois, subversif, alors qu’il ne fait qu’entériner l’idée que la sexualité est sale et que c’est cette saleté qui est censée nous procurer désir et excitation.
Oui il est important de s’interroger sur les clichés véhiculés par le porno, comme d’ailleurs sur les fantasmes. Personne ne prétend interdire à qui que ce soit de fantasmer ; on peut néanmoins se demander pourquoi tant de fantasmes masculins comme féminins sont fondés sur la domination des femmes. Il est étrange de ne pas pouvoir questionner la sexualité. Je me poserais quelques questions si Dieu avait l’intégrale d’Alain Minc ou de Steven Seagal mais il serait parfaitement déplacé de ma part de me poser des questions s’il possédait des gonzos d’une pauvreté scénaristique éprouvée, aux clichés sexistes les plus éculés ?
Personne ne demande au porno de devenir un genre où rient les oiseaux et chantent les abeilles ; Je me souviens d’un porno d’Ovidie qui avait tenté de casser les codes en vigueur et avait produit un truc niaiseux, pseudo romantique et mortellement chiant.
Simplement le porno pouvait redevenir ou plutôt devenir un genre vraiment transgressif au sens où il n’obéirait pas aux clichés sexistes, racistes et homophobes. Ca n’est pas le fait de gueuler “salope” à une femme qui aime le sexe(ou feint de l’aimer) quiest hors-norme ou transgressif, c’est plutôt le fait de ne pas le faire qui l’est.
Sans doute est-ce aussi au consommateur de cesser de consommer sans réfléchir ; la sélection, d’ailleurs dans tous les domaines, reste un vrai pouvoir à notre disposition.