
Alors du tout début du château, on ne sait rien parce qu'il n'y a rien d'écrit. Dans une photocopie du cadastre de 1228, il est fait mention du hameau "Okoř" comme propriété du couvent (de nonnes) St Georges (au château de Prague, cf. les Regesta diplomatica nec non epistolaria Bohemiae et Moraviae, Lib II, p. 336, sous l'appellation "Okori"), mais rien d'un castel. Heureusement que des passionnés fouillent le sol, et c'est ainsi qu'on subodore que le tout premier bout de château daterait de vers la seconde moitié du XIII ème siècle. Les archéologues découvrirent dans le sol et dans les années 1980 des restes de fortifications ainsi que d'un bâtiment à plusieurs murs incluant une chapelle (apparemment copieusement décorée) à partir de quoi nos gaillards en conclurent l'appartenance du castel à un prince ou un ecclésiastique de haut rang. Tiens, extrait du rapport de fouilles (cf. "Pavel Sankot & Tomáš Durdík: Hrad Okoř. Roztoky.", 1983): Le castel originel se trouvait sur un monticule rocheux entouré d'un haut mur protecteur rectangulaire (ah ouais?). Sur le plus haut sommet se trouvait une tour carrée comprenant en ces murs une chapelle gothique nettement plus ancienne (entre 1260 et 1270).

Allez, on passe à du concret, en 1356, car on a des sources écrites à nouveau du cadastre indiquant que l'échevin de la vieille ville de Prague "František Rokycanský" (quae vulgo dicitur "Frána Rokycaner") domicilié en la demeure "à l'éléphant" ("U slona", au numéro 9 place de la vieille ville) vend icelle (demeure) pour s'installer au château de "Okoř". De fait l'on eut tout d'abord présumé que l'édifice fut construit ex nihilo par ledit François (avant 1980), ben oui mais non, car à la lumière des fouilles, l'on peut dorénavant présumer qu'il eut pu déjà être la propriété de son nanti papa (du Franz), "Mikuláš Rokycanský".






Pis arrivèrent les Suédois, drainant avec eux pillage et dévastation. Le château de "Okoř" y eut droit également, et sans doute plus que certains autres édifices des environs de par le danger potentiel qu'il aurait pu représenter pour les primitifs scandinaves s'il eut tombé entre les mains des défenseurs. En 1649, avant de rendre l'âme, ce bon catholique de "Jaroslav Bořita z Martinic" fit don des ruines aux jésuites praguois (cf. l'église St Ignace). Qu'est-ce qu'ils étaient contents les jésuites avec une telle ruine, sans dec. Mais les légionnaires papaux sont obstinés, et ils se mirent au boulot afin de retaper le carnage. A partir de 1665, ils commencèrent par construire 2 nouveaux ponts afin d'accéder au château avec leurs brouettes.


Les jésuites furent dissous en 1773 (cf. une précédente publie) et cet évènement signa l'arrêt de mort de notre château qui fut confisqué au profit du "fond d'études" (le "fond studijní" fut créé après la dissolution de la Societas Jesu [usque ad Sanguinis et Vitae Profusionem Militans, in Europa, Africa, Asia, et America, contra Gentiles, Mahometanos, Judaeos, Haereticos, Impios... Mathias Tanner, Pragae, anno 1673. Vous sentez l'amour du prochain?] afin de liquider ses biens confisqués et financer les nombreuses écoles que l'ordre avait créé dans le royaume). Vidé de ses occupants, non pourvu d'autres locataires, l'édifice reconstruit reprenait l'apparence dans laquelle l'avait trouvée les jésuites. Selon certaines sources, la détérioration aurait été accélérée par l'administrateur temporaire du château qui vendit en solde aux villageois les matériaux de construction (pierres, poutres...) facilement accessibles ("au château y a tout ce qu'il faut outils et matériaux.."). En 1787, le curé de la paroisse cessa les offices en la chapelle emmurée-rénovée par sécurité pour ses ouailles sur lesquels s'effritait la voûte. Celle-ci finit par s'effondrer complètement en 1800, et sonna l'hallali de tout l'édifice pillé méticuleusement pierre par pierre par les villageois.

Lorsqu'on arriva avec ma chérie d'amour, l'on dut attendre l'heure pleine (soit 45 min, forcément) afin que ne commence la visite en compagnie de la guide et du troupeau de couillons qu'on était. "Ah bon, faut un guide pour visiter des ruines? demandais-je à la caisse fort de précédentes expériences en d'autres édifices pareillement inconservés où l'on pouvait se mouvoir librement. Bon, ben l'on l'attendit donc devant la lourde porte en bois derrière laquelle se cachait le fameux édifice, mystérieux comme un château dans les Carpates. Pis les portes s'ouvrirent, pis la petite nous fit avancer, pis elle commença l'exposé. "Ce sont les caves creusées dans la roche." Ah ouais?

Bon, allez quelques détails sur l'intérieur: c'est vide et y a rien. Mais alors rien de rien, sinon une table et 2 bancs même pas d'époque que je vous ai photographiés quand même pour documenter, mais sinon keud-nada du tout. Ce qu'il reste donc du château inférieur, c'est un bout de mur d'enceinte, un bastion, et un bout du portail reconstruit afin d'empêcher les couillons de visiter le château par eux-mêmes. Du château supérieur, il reste les fondations du réfectoire, les restes des 2 palais nettement mieux conservés que le reste des baraquements, le portail d'accès à la seconde cour, le mur Sud de la grand' tour et les ruines de la chapelle gothique au rez-de-chaussée.



Le fils du meunier apprend tout, il délivre sa chérie d'amour (ne me demandez pas comment, y en aurait pour 10 autres pages format A4 de marges 1cm et de police Arial Narrow 8 pt), enfourchent un fougueux destrier et s'en prennent la direction de l'aéroport afin de rejoindre une contrée plus compréhensive de leur amour inconvenant. Après avoir bien trotté quelques 5 km, ils firent une halte dans une clairière du bois d'entre "Tuchoměřice" et "Horoměřice" afin de refroidir le roussin (ils étaient quand même à 2 dessus) et soulager Julienne (vous savez ce que c'est les filles sur la route). Soudain, un bruit de sabots se fit entendre. La jouvencelle remonta rapidement sa culotte tandis que "Vnislav" sortit son épée... trop tard... "Sukorád" et ses gens venaient de les encercler. Ils s'étaient lancés à leur poursuite après avoir découvert la disparition de la hie et la présence d'une copie du billet électronique pour la Floride oubliée dans l'oubliette. Le père rouge furax de colère sauta de son cheval à terre, dégaina son Beretta et refroidit sa jouvencelle d'une balle en pleine tête.

Alors encore une autre légende cucul bien niaise comme les romantiques en faisaient des tonnes au XIX ème siècle (remarquez bien qu'elle n'est peut-être même pas de cette époque la légende) raconte quelque chose de similaire, que la gonzesse (je ne sais même pas si elle s'appelle Julienne dans cette histoire-là) refusait les prétendants, y compris un bien insistant qui était prêt à lui payer tous ses caprices, coiffeur, visagiste et nouvelle paire de chaussures chaque jour.


Un peu de romantisme cucul bien niais aussi (c'est la saison). Alors vu de loin, le château de "Okoř" en impose quand même grave (ah si, faut avouer). Même en ruine, sa silhouette monumentale permet d'imaginer qu'il eut pu être en son temps la crème des châteaux forts. Et il le fut. Les seigneurs friqués (bourgeois?) du XIV ème siècle essayaient alors d'en mettre plein la vue à la noblesse par la monumentalité des demeures qu'ils se faisaient construire en dehors de Prague (les terrains sont moins chers). Et justement, pendant longtemps "Okoř" en était le plus bel exemple en royaume de Bohême (plus tard cet aspect massif fit qu'au XIX ème siècle ces ruines devinrent parmi les plus peintes sur les toiles romantiques). Malheureusement, compte tenu de sa situation géographique, il ne présenta jamais un intérêt stratégique militaire, économique ni social (aucune bataille décisive à proximité, aucun développement agricole ni industriel, aucune grande ville...) et fut pour ainsi dire sans attrait pour la noblesse dirigeante du pays. Et tiens, tout aussi justement, d'un point de vue touristique... Bon, d'aucuns vous diront qu'il faut y aller, que c'est splendide et que le château attire des dizaines de milliers de touristes.

Pour terminer, il y a le site officiel de la République Tchèque qui en parle une fois là, dans le cadre du patrimoine culturel, rubrique "les plus beaux monuments et curiosités", chapitre "les ruines" (j'aurais pas mis ça là, moi, mais bon, chuis pas ouaibmasteur), et encore une autre fois là, dans le cadre du "Tourisme et sport, vacances actives, excursions en Bohême Centrale". Notez que c'est pas le même texte, et que les 2 sont pour le moins concis sans pour autant dire la même chose. Dommage pour la concision, j'aime bien ce site fort bien fait et plein de bonnes idées.